Douzième Partie : Les Arts et les Sciences s’unissent dans un objectif Commun.
(basé sur des faits réels… bon, pas si réels… ok, ok, ok, des faits inventés – comme ceux auxquels est habitué le Bureau du Procureur général de la République –. Eh oui)
Previously :
Durant le jour d’après, dans une communauté fictive, des peuples originaires, des chercheuses, des artistes et des scientifiques ayant survécu à la tempête se sont réunis. Ensemble, ils relèvent le défi de recommencer et de refaire le monde depuis ses fondations. Dans la cantine communautaire « Mâche avant d’avaler », une bataille rangée a été provoquée par le fait que, soi-disant, quelqu’un du collectif de Sciences Appliquées a appliqué les lois de la physique aux catapultes, en se servant en l’occurrence des cuillères et de la compote de courge en guise de munition. Les projectiles ont atterri sans distinction sur les artistes et les scientifiques, provoquant la réponse logique. Un peu comme la classique « tarte à la crème » utilisée en cimétographie. Au plus fort du bombardement mutuel, la Doña Juanita est intervenue, brandissant une poêle géante et une louche de taille XXXL, appelant au calme, au dialogue raisonné et à la non-application unilatérale des taxes de douanes. La dernière fois qu’il a été vu, le Capitaine était barricadé derrière des casseroles et des plats, il portait un casque de protection modèle « Predator » (armure +100, mobilité -500, – on n’y voit rien –). La bande originale (Yo no fui, de Consuelito Velázquez) était interprétée par les musicos. Les critiques ultérieures donneront à cette tentative de guerre le nom de «La Guerre de la Compote de Courge . Les Origines». (Cf. Partie Six : Sciences Appliquées. Oct 2024)
-*-
Ils sont encore tous dans la cantine, à se disputer pour savoir de qui est venue l’escarmouche qui éclaboussa de compote de courge les tables, les murs et le toit.
Bien qu’au début du débat, sciences et arts se regardaient de travers, les accusations mutuelles étaient contenues ; ce n’est que lorsque les théâtreux firent remarquer : « Bien sûr, le truc puéril de la cuillère-catapulte, c’est digne de la maternelle », que le conflit s’envenima.
La science appliquée accusa le coup et, sans hésiter, répondit : « Il me semble entendre un ton légèrement accusateur dans ce que vous mentionnez. En effet, la cuillère-catapulte est puérile. En revanche, elle répond bien à cette mode picturale (c’est ce qu’elle a dit : « picturale » ; pas « artistique », ni « graphique », elle a dit « picturale ») qui consiste à jeter des encres de couleur sur la toile ou le mur et à ensuite mélanger le tout. Je crois qu’on appelle ça « l’art salade ».
Il n’y eut pas de rire, ni même une ébauche ; ce qu’il y eut, à la place, fut un va-et-vient de regards foudroyants (intention 1000 ; dégâts souhaités 100 ; dégâts réels -40). Et, d’un seul coup, les un.es et les autres renversèrent les tables et se mirent à l’abri derrière leurs fortifications respectives. Comme il n’y avait plus de projectiles à portée de main, iels restèrent dans l’expectative, comme s’iels hésitaient à continuer à s’insulter ou à passer à l’action concrète.
Profitant de l’impasse [en français dans le texte], la Doña Juanita – toujours armée de sa poêle et de sa louche –, demanda d’un air innocent : « Où est le Capitaine ? »
Ce fut comme si un éclair fendait la nuit la plus noire. De se regarder en chien de faïence, les parties belligérantes passèrent à échanger hypothèses et théories.
Bien que personne ne réussissait à se souvenir de l’endroit précis où se trouvait le Capitaine au milieu de l’échauffourée, quelqu’un signala qu’avant le début du combat, il avait vu le Capitaine… à côté du poêlon de compote de courge. Après ça, plus rien. Ou si, mais c’était encore la narration détaillée des projectiles reçus et de la réponse logique.
La compteuse demanda la parole et déclara : « Nous avons le crime et je pense que nous savons qui est le criminel ». « Le suspect », précisa celle qui vole, qui avait trop regardé « New York, unité spéciale ». Les musicos, toujours attentifs, improvisèrent – avec l’absurde peigne – l’air de cette série policière : tan, tan.
Quelqu’un proposa : « Levez la main, celles et ceux qui pensent que le Capitaine est le coupable ». Une autre voix lui coupa la parole : « Calme-toi quatre T, tu n’es pas dans un tribunal de l’Aide sociale. Il est innocent jusqu’à preuve du contraire. »
Doña Juanita éclata de rire et déclara : « Vous allez accuser le capitaine de quelque chose ? Bonne chance. » « Faisons comme ça se fait ici, convoquons-le, qu’il se présente et qu’il dise ce qu’il a à dire. Il faut aller le chercher et lui dire de venir », signala le sculpteur.
La Doña Juanita, qui semblait très amusée et prête à savourer ce qui se passait, demanda d’un air narquois : « Et qui va attacher le grelot au cou du chat ? »
-*-
« En réalité, c’est une chatte. Une minette, quoi. Elle a suivi le capitaine l’autre jour. Le Capitaine, tu sais bien qu’il est très autre, et il a appelé la petite minette « Petit minou ». Tu le crois toi que le Capitaine ne sait pas faire la différence entre un chat et une chatte ? Même que je l’ai grondé un jour où il était en train de casser son vélo, qui sait pourquoi il le cassait. Les hommes sont très bizarres… enfin, moi je dis que les hommes sont des gros enfoirés, mais le Capitaine m’a dit que dans les contes, on ne peut pas dire de gros mots, alors y a plus qu’à dire qu’ils sont très bizarres. Le cas ou la chose, ça dépend, c’est que j’ai emmené mon vélo chez le mécanicien pour qu’il lui répare la chaîne qui s’était détachée. Mais le mécanicien était parti au pozol, donc, pendant que je l’attendais, je suis allée voir le Capitaine, pour voir s’il avait des bonbons au chamoy, et j’ai vu qu’il était en train de casser son vélo. À coups de marteau, direct. Et alors, j’ai vu une petite minette très mignonnette et je l’ai appelée « minette, minette », mais la vilaine ne m’a pas répondu. Tout en attrapant une barramine et une hache, le Capitaine m’a dit : « C’est minette peut-être ? Non, c’est Minou ». Je lui ai répondu : « Qu’est-ce que t’en sais, on voit bien que c’est une minette. » Le capitaine a haussé les épaules et a continué à… à… faire ce qu’il faisait. J’ai appelé la minette plusieurs fois et rien. Puis j’ai dit « Minou » et elle est venue rapidement. C’est clair qu’on ne peut pas le croire, mais c’est comme ça, il est comme ça le Capitaine, il a l’esprit bien dérangé. »
(Note de la rédaction : Bien sûr que je sais faire la différence entre les petits chats et les petites chattes. Les petits chats portent un nœud bleu et les petites chattes portent un nœud rose. Je l’ai lu dans un livre scientifique… ok, ok, ok, je l’ai vu sur Pinterest ou un truc du style. Fin de la note)
La petite fille (de 6 ou 7 ans) était en train d’expliquer cela à la Compteuse, mais aussi à celle qui Vole et à celle qui Regarde, qui, après un tirage-au-sort agité, avaient été choisies pour partir à la recherche du Capitaine et lui remettre la citation à comparaître signée « au nom de quelques parties du tout ».
Le texte, transcrit sur une planche avec de l’« encre » de compote de courge – ce qui en soi était un affront à l’admiré Capitaine (désolés, les « ha » sont épuisés) –, pointait du doigt l’accusé pour « incitation à la rébellion de la courge, mutinerie de mauvais goût, insurrection mal planifiée, machisme hétéro-patriarcal, réitération binaire, eurocentrisme cis, mauvaise visée, fomentation de la haine et de la division, absence à son tour en cuisine, défaut de lavage de main, et de tout ce qui dérive de l’enquête en cours ».
La petite fille avait prévenu les 3 déléguées spécialisées de ne rien dire. Et que, surtout, elles évitent même de prononcer le mot interdit. Il ne fallait même pas l’épeler « c-o-u-r-g-e », expliquait la petite fille alors qu’elles descendaient la pente menant à la grotte où devait se trouver le Capitaine. « C’est que, si tu prononces ce mot, le Capitaine se transforme en gorsodome, une bête très horrible que même dans les multivers de Marvel et de DC Comics, on ne peut pas imaginer. »
Les trois envoyées, quatre avec la petite fille, arrivèrent à l’entrée de la grotte. La petite fille leur dit : « Attendez ici et ne faites pas comme dans les films où on leur dit d’attendre à un endroit et que personne n’obéit, qu’ils partent et qu’ils finissent par mourir misérablement. »
La petite fille sortit avec une petite chatte-petit chat dans les bras et déclara : « Il dit qu’il n’était pas à la cantine ce jour-là et qu’il a un alibi irréfutable. Autrement dit, il a un prétexte quoi. » Les 3 envoyées firent ce que n’importe quel être humain ferait dans une situation similaire, c’est-à-dire qu’elles commencèrent à câliner la petite chatte appelée « Minou ». Submergé ou submergée, c’est selon, le minou-minette sauta des bras de la petite fille et retourna dans les entrailles de la grotte. Les envoyées réagirent et demandèrent à la petite fille quel était l’alibi du Capitaine. La petite fille sourit : « Il vient de retourner dans la grotte. C’est ça son alibi, une petite chatte qui s’appelle Minou. Mais ce n’est pas le pire. Le Capitaine a un avocat qui est très célèbre. »
La petite fille partit voir s’ils avaient réparé les pédales de son vélo qui s’étaient tordues en tombant dans les graviers. Les envoyées informèrent l’assemblée de « quelques parties du tout ».
-*-
« Non, non, pas question », argua le capitaine face à la « stratégie juridique » que lui proposait son avocat, un scarabée pédant et anachronique ; stratégie qui consistait, grosso modo, à plaider coupable dès le début du procès. « Ce sera un succès, argumentait l’avocat, l’assemblée sera si déconcertée que, je pense, tu pourrais éviter la peine de mort. » « Peine de mort ?! » dit le Capitaine avec colère, « tu as étudié où pour devenir avocat, dans les universités Benito Juárez ? » Le scarabée rangea sa mallette et conclut : « Cela pourrait être pire, par exemple : ça pourrait être une peine d’un mois au régime soupe de c-o-u-r… » Le capitaine l’interrompit en criant : « Ça suffit ! ». Le scarabée juridique insinua : « Comprends-moi, si tu es condamné à mort, qui paiera mes honoraires ? »
-*-
Organiser le procès ne fut pas facile. Bien que le collectif de sciences manifestât qu’il s’abstiendrait, il se proposa pour concevoir l’échafaud – au cas où l’accusé serait reconnu coupable et condamné à la pendaison –, tandis que la communauté artistique (« ha » réintégré) se sentit obligée de faire preuve d’imagination et de créativité.
Ils se heurtèrent à un mur lorsque, au moment d’imaginer le procès, il ne vint à la mémoire des théâtreux que quelques phrases de Juan Ruiz de Alarcón (dont se moquaient, sur les réseaux sociaux de l’époque, Lope de Vega, Tirso de Molina, Francisco de Quevedo et Luis de Góngora, qui, faute d’arguments – comme à présent – l’insultaient en faisant allusion à son physique). À son secours apparut, on ne sait d’où, un collectif qui a le bon goût de s’auto-dénommer « Komün » et quelque chose faisant référence au cinéma, ayant l’expérience des décors naturels et quotidiens.
Le reste des artistes se disputait les rôles de procureur et de juge (bien qu’en vérité le poste qu’ils convoitaient tous était celui du bourreau), mais apparut un scarabée qui, disait-il, avait de l’expérience en procès sommaires et condamnations lapidaires, et qui se proposa de couvrir simultanément les postes de Juge et de Procureur. Comme il portait une robe, une perruque et un marteau (semblable au maillet que les ingénieurs en menuiserie ne trouvaient nulle part), personne ne mit en doute ses capacités. Ensuite, l’assemblée artistique se constitua en jurés.
Tout était prêt et ils n’attendaient plus que, avec une impatience mal dissimulée, la comparution de l’accusé…
-*-
En haut la lune écoute et, depuis le Levant, arrive un murmure qui crie :
غابت شمس الحق وصار الفجر غروب
منرفض نحنا نموت قولولهن رح نبقى
(« Le soleil de la justice s’est couché et l’aube est devenue crépuscule / Nous refusons de mourir / dites-leur que nous triompherons »)
Et des pieds tapant le sol. Peut-être le Dabkeh palestinien vérifiant si les fondations d’un autre monde seront solides.
Sur tous les chemins, quelqu’un remue des décombres et des souvenirs et quelqu’un attend d’être retrouvé. Et c’est bien de cela qu’il s’agit : de chercher et de trouver la vérité et la justice. Parce que demain tend à se nicher dans les recoins les plus inattendus, et toujours dans le cœur des chercheuses…
(à suivre)
Le Capitaine,
Avril 2025.
Images des Tercios Compas Zapatistas.
Musique de Sazón de María, Somos.
No hay comentarios todavía.
RSS para comentarios de este artículo.