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Palabra del Ejército Zapatista de Liberación Nacional

Mar042025

Sur le thème : La Tempête et le Jour d’Après Dixième partie : LA SANTÉ SELON DOÑA JUANITA.

Sur le thème : La Tempête et le Jour d’Après

Dixième partie : LA SANTÉ SELON DOÑA JUANITA.

Le jour d’après, ce n’est pas aujourd’hui. Doña Juanita moût le maïs qui sera ensuite la tortilla fraîche sur la table où les promoteurs de santé mangeront après la pratique. Doña Juanita m’avoue qu’au moment de partager la nourriture, elle en sert plus aux promotrices de santé. Car ce sont des personnes qui soignent, dit-elle, et elles ont besoin de plus de force pour que leur tête apprenne et enseigne.

Nous parlons. Ou plutôt, elle parle et moi, j’écoute. Elle parle d’une terre lointaine qui est juste là, de l’autre côté de la montagne qui étend son flanc sur notre sol ; notre terre qui appartenait auparavant aux étrangers, ceux du dehors, ceux de l’argent et de la mort ; un sol qui s’est libéré grâce à notre lutte.

Elle est contente, doña Juanita, de la lutte. Racontant des histoires du passé, quand le finquero [le propriétaire terrien, ndt] et le gouvernement commandaient, elle motive ses petites-filles, les exhorte, les prévient : « N’abandonne jamais la lutte, cherche ta place, et bats-toi pour la défendre. Si tu la perds, nos morts seront morts pour rien, et ils viendront te tirer les tresses. Et moi, je te filerai des coups de pied. Même si je suis morte. Je viendrai la nuit. »

« «La» système ne nous a appris qu’à mal mourir », dit-elle tandis qu’elle attise le feu. « Et la lutte nous a enseigné à vivre. Il est difficile de suivre le chemin de la mort, et plus difficile encore de marcher dans la vie. Mais la lutte est plus joyeuse parce qu’elle te permet de voir loin. Par exemple, la santé. Avant, la maladie ne se terminait qu’avec la mort, et notre médecine ne faisait que retarder un peu notre fin. Maintenant, il y a de nombreuses formes de santé.

En commençant par en bas, tout comme on construit une cahute. Bon, c’est ce que je pense, moi. C’est ma tête qui dit ça. C’est pour ça que c’est bien que les filles jeunes apprennent la santé. Car ce chemin est long, et c’est celui de la vie. Mais pas seulement les plantes médicinales, parce que même moi je m’y connais. Il s’agit de choses nouvelles, de laboratoires et de ces appareils bizarres qui entendent ce que disent tes tripes. D’ouvrir le ventre d’un frère, d’en sortir le mal et de le recoudre comme on recoud une jupe. Moi, je crois que le finquero nous voulait malades pour qu’on meure vite et qu’on lui foute la paix. De toutes façons, le Chefaillon, il en ramène d’ailleurs des gens pour le servir. La lutte est bonne parce que ce n’est pas seulement tuer ou mourir, c’est vivre. Moi, j’aimerais bien voir ça, quand on plante un couteau dans un bonhomme, mais un bon couteau car il ne tue pas mais il soigne. C’est vraiment quelque chose ce truc de la santé. Je crois que c’est pour ça qu’on ne le dit pas quand on est malade. C’est pas parce que tu es courageuse et que tu ne veux pas faire d’histoires. C’est parce que tu as peur du couteau qui soigne. Imagine que tu vois de tes yeux la machette arriver à ton ventre. Aïe, dieu du ciel ! » dit doña Juanita tout en faisant le signe de croix plusieurs fois.

Doña Juanita surveille la cuisson des haricots. Elle me dit que, dans cette autre terre, proche – bien que lointaine –, vivent d’autres peuples frères, et que cette terre, ils l’appellent « Palestine ». Elle dit que la destruction et la mort continuent d’être semées là-bas, même si maintenant une autre guerre dans une autre géographie est devenue l’actualité qui cache son actualité. Elle ne pleure pas doña Juanita quand elle parle « Palestine ». Son regard brille, oui, mais il n’y a pas de chagrin. Il y a de la rage, de la colère, de l’indignation.

« Je ne connais pas, mais je m’imagine qu’à ces peuples, tout le monde veut leur dire ce qu’ils doivent faire. Il en fut ainsi de nos communautés, on venait nous ordonner ce qu’on devait penser, vêtir, manger, prier, ils veulent même nous dire comment on doit parler. Le Chefaillon n’a pas toujours la tête du finquero. Parfois, il a une tête de bonne personne, qui vient t’aider, qui te donne l’aumône, qui te caresse. Mais ce qu’il veut, c’est commander. Remarque que, si on n’avait pas lutté, aujourd’hui on serait pareil, à vivre une vie qui n’est pas la nôtre.

Nous n’aurions pas notre propre conscience et nous serions ce que le regard des autres voudrait que l’on soit. Ça ne vaut rien comme ça, parce qu’ils ne te laissent que la mort. Ta vie, c’est la vie qu’ils disent eux et pas la tienne. La lutte est bonne parce qu’elle ne commande pas, mais elle obéit. »

Doña Juanita soupire. Elle empile les tortillas et les souvenirs, et elle me raconte une histoire que lui a racontée sa grand-mère il y a 30, 50, 100, mille ans. Elle est déjà bien âgée la doña Juanita, mais elle redevient une petite fille quand elle répète l’histoire que sa grand-mère lui a rapportée de ses aïeux à elle.

« Après le début, les êtres qui commencèrent à parler, et ainsi à marcher, se disputaient beaucoup. Ils voulaient avoir. Qui avait peu, voulait beaucoup. Qui n’avait rien, voulait avoir, même si c’était un peu. Qui avait beaucoup, voulait tout avoir. Ce n’était pas leur façon de faire. Cette façon de faire, elle a été apportée par celui qui avait la couleur de l’argent, des yeux féroces et des mains de mort, le Dzul. Les anciens souffraient beaucoup. Et ils se battaient beaucoup entre eux. Et avec les bagarres, des maladies pour tous : pour les petits, pour les mères, pour les pères, pour les champs, pour les animaux. Les plantes aussi tombaient malades, ainsi que les eaux et les cieux. Avant l’argent, il y avait la santé, et la maladie de vouloir plus n’existait pas. Il y avait le commun.

Les Dzules, les étrangers, ceux du dehors, apprirent aux nôtres que, pour dominer un peuple, il fallait dominer les femmes. Et que, si elles ne se laissaient pas faire, il fallait les tuer. Parce qu’en tuant les femmes, disaient les Dzules, ils tuaient les rébellions futures.

Mais les femmes en avaient une plus sage, plus grande en âge et en grade. Ixchel est son nom et son travail, c’est la santé de tout. Elle se cache le jour, mais la nuit elle monte la garde pour s’assurer que tout est comme il faut. Elle est lune quoi, la Ixchel.

Aux femmes qui luttent, Ixchel donna la force intérieure du cœur et du corps. Elle fit grand son cœur pour que puisse y tenir la graine de la vie. C’est pour ça que les guerres de l’oppresseur cherchent à faire du mal aux femmes qui luttent. Dès toutes petites, elles sont attaquées. Parce qu’en elles va la vie et va le lendemain. Rebelles, elle les a faites. Rétives. Sages, elle les a créées. Lointaine va leur vue. Elles voient de la vie au-delà d’où les autres ne voient que de la mort. Et quand la Ixchel se met en fureur, alors là, oublie les petits machos et les chefaillons. C’est pourquoi notre travail en tant que femmes que nous sommes, c’est résistance et rébellion. Car c’est seulement ainsi qu’on soigne une terre souillée par les bombes, les industries et les machines. Seulement ainsi qu’on peut guérir de la mort. En luttant quoi. »

-*-

Maintenant je réalise que lorsque doña Juanita dit « Palestine », elle dit « petite fille, femme, ancienne ». Et c’est pour ça que doña Juanita, qui fut et est petite fille, femme et ancienne, quand elle parle « Palestine », dit « rage », oui, mais dit aussi « lendemain ».

Et c’est ce que nous, les communautés zapatistes, disons quand nous disons « Palestine ».

Voilà. Santé, et donc ça justement : santé.

Depuis les montagnes du Sud-est mexicain, presqu’au croisement avec le Moyen-Orient.

Le Capitaine.
Novembre 2024.

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