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Palabra del Ejército Zapatista de Liberación Nacional

Dic062024

Sur le thème : La Tempête et le Jour d’Après. Postface. Quatrième partie : Entre le pognon et l’imagination

Sur le thème : La Tempête et le Jour d’Après.

Postface.

Quatrième partie : Entre le pognon et l’imagination

d). – Vous faites partie d’une troupe de théâtre. Bon, vous faisiez partie. Il ne reste plus rien des brillantes improvisations, des fastidieuses répétitions, des corrections de posture, de diction et d’intonation, des engueulades pour les costumes, des conflits « intra-acteurs » (« tu entends Luis, je n’aime pas cette tirade, dans mon rôle de statue, je devrais être plus éloquent »), des fastueuses scénographies, des batailles pour le budget, des locaux qu’il faut adapter, des annonces, des billets. Il n’y a plus non plus d’attentes pour un rôle dans ce film, cette télénovela, cette série, ce spectacle.

  Par ailleurs, un autre vous pressentait déjà l’issue de la tempête. Quand vous êtes allé dans divers recoins du monde, essayant d’arracher des sourires d’enfants là où il n’y avait que des grimaces de douleur et des regards vidés par l’angoisse. L’arbre mutilé de l’enfance palestinienne, la cynique indifférence d’une « civilisation » repue du culte de la banalité, les humbles cahutes des habitants originaires dans l’oubli prolongé appelé Amérique latine. Vous avez aussi été chauffeur, avec la collègue chauffeuse – « c’est pareil », dirait la petite fille zapatiste qui ne se préoccupe pas de genres biologiques mais de l’essence de chaque être –, cette fois-là où une petite montagne a navigué à rebrousse-poil de l’histoire, comme s’il s’agissait de cela, de contredire. Vos passagers avaient réitéré l’avertissement, prévenant de l’imminente date de péremption d’un système devenu fou. Le point culminant de la tragédie, le monde tel que vous le connaissiez s’effondrant dans un gémissement sourd puisqu’il n’y avait plus de réseaux sociaux pour l’annoncer. Vous pouvez presque dire que vous l’attendiez.

  Maintenant tout ça est resté derrière. Il y a déjà plusieurs jours que vous êtes dans cette communauté et vous, qui êtes relativement intelligent, vous avez compris que les gens réunis ici ne veulent pas répéter l’histoire du « Petit Malcolm contre les Eunuques ».

  C’est bientôt votre tour. Celles et ceux qui faisaient partie de la troupe se sont assis ensemble, comme se rassemblent les êtres humains dans le malheur. Pourquoi n’arrivez-vous pas à vous sortir de la tête les dialogues de « La Bonne Âme du Se-Tchouan » ? Peut-être parce que tout ça se ressemble : le défi d’être une meilleure personne et d’être bon, de vivre mieux sans renoncer à l’honnêteté en tant que valeur humaine. Il ne reste plus que deux personnes avant que ce soit votre tour de vous présenter. Vous faites un calcul rapide. Il y a ceux qui peuvent faire les personnages : il y a Shen Te – Shui Ta, et vous pensez pouvoir vous souvenir des dialogues ; il y a les dieux, il y a Wang, Sun et Shui Fa. Mais, et la scénographie ? Comment ? Avec quoi ? Où ? Ça y est, c’est à vous. Vous et votre troupe, vous vous rendez alors compte que vous affrontez le plus grand défi de votre profession : avec vos interprétations, vous devez réussir à faire en sorte que le public s’imagine la scénographie. « C’est l’histoire d’une femme qui était aussi un homme qui était aussi une femme et ainsi de suite », commencez-vous en vous plaçant au milieu du terrain de basket.

  À la fin, personne n’a applaudi. Il n’y a eu ni interviews, ni flashs, ni demandes d’autographes, ni notes critiques dans la presse spécialisée. Pas non plus d’applaudissements ni de rires devant la solidarité d’une histoire mise en scène. Parce que vous pressentez maintenant que cette solidarité vous est accordée à vous, comme un murmure parmi les spectateurs dans une langue incompréhensible. Et maintenant vous comprenez : les victimes ne cessent de l’être que quand elles survivent à force de résistance et de rébellion. Ce n’est qu’alors qu’elles peuvent recommencer.

  Vous en êtes-vous bien sortis ou pas ? Vous ne le savez pas, mais les tours de présentation ont continué. Le lendemain, dans la cantine communautaire appelée « Mange en commun de la nourriture commune », vous entendez qu’une femme commente à une autre : « Le problème, c’est que les théâtreux lui ont donné du pognon à la gamine. Si c’est pas ça, c’est autre chose » « Ou un autre cas, ça dépend », répond sa compañera. « Le pognon », vous restez pensif… « Bien sûr », vous dites-vous, « Bertolt se penchait sur ce que serait la Deuxième Guerre mondiale et ses horreurs, et il signalait ainsi le dilemme provoqué par l’argent, le pognon quoi, comme on dit dans le coin. » Vous allez vous asseoir avec votre groupe, qui mange en silence parce qu’il ne sait pas non plus si vous vous en êtes bien sortis ou pas, et vous vous asseyez. Vous posez votre assiette, vous regardez les autres et vous lâchez : « Le problème, c’est le pognon. » Ils vous regardent tous. « Il faut imaginer un autre monde », continuez-vous. Une fois le repas terminé, pendant que vous faites la queue pour laver votre assiette, vous murmurez : « Il faut imaginer le jour d’après. »

  Le jour suivant, pendant l’appel de l’assemblée, vous entendez « théâtreux » et, simultanément, comme après des centaines de répétitions, vous répondez « présents ». Vous vous asseyez en vous regardant, satisfaits. Votre regard change quand vous entendez : « C’est à vous de porter les planches pour l’auditorium. »

  Pendant que vous portez les planches, vous pensez tous : « Auditorium… scène… scénographie… théâtre ! » Même si vous comprenez maintenant que vous n’avez pas besoin d’un espace. Pour l’art, un cœur collectif suffit toujours amplement. Vous ne le dites pas à voix haute, mais vous vous dites « Le problème, ce n’est plus le pognon, nous ne devons plus attendre Godot. »

-*-

e). – Vous étiez écrivaine, écrivain ou écrivain·e. Vous savez : de la poésie, des contes, quelques romans. Ce n’était pas facile. Les bourses ? Bah ! celles-là étaient toujours réservées à qui savait entretenir son réseau… et flatter avec constance et assurance. « Le problème, c’est le pognon », avez-vous entendu dire les théâtreux à la cantine qui s’appelle « Goinfrez-vous tant qu’il y en a ». Ou est-ce « Maintenant ou jamais » ? Vous vous rappelez de cette conférence que vous avez donnée dans une université. « Qui écrit raconte des histoires. Ni plus, mais non plus, ni moins », commenciez-vous ainsi. Tout cela est derrière vous. Paradoxalement, le jour d’avant, vous écoutiez Bob Dylan prophétiser : « How does it feel / how does it feel? / To be on your own, / with no direction home / A complete unknown, / like a rolling stone »

  Maintenant, avec la pointe du pied, vous faites rouler une petite pierre. Finis les moments de solitude, la pénombre, votre bibliothèque, la table ou le bureau de travail, l’ordinateur, les fantômes, les dizaines de brouillons, le disque dur plein de mots tronqués, la recherche d’une maison d’édition : « Aïe, non mon petit. La littérature est passée de mode. Ce qui marche maintenant, ce sont les histoires interactives, les récits en un minimum de caractères. Les choses légères quoi, pour ne pas avoir besoin de trop réfléchir. Mais revenez un autre jour. Vous savez, la planète est ronde et elle tourne. »

  Mais le monde n’existe plus, du moins VOTRE monde. Votre tour arrive. Vous inspirez et vous vous mettez debout. Vous commencez : « Moi, je vais vous raconter une histoire. » Et sans même vous en apercevoir, vous commencez à ébaucher une histoire d’histoires que vous tirez de votre imagination en regardant les visages des personnes présentes. Des dizaines d’histoires brodées en une seule. Exactement comme cet ouvrage de « L’Hydre » que vous avez vu dans un musée dans les madrides, dans l’Espagne « d’esprit moqueur et d’âme calme », l’Espagne « de la rage et de l’idée », quand, après, vous avez accompagné la bande de Open Arms qui, dans un troquet d’Andalousie (entre tapas, claquements de mains et de talons flamenco, avec le cante jondo et Federico, vous aviez interpellé la terre entière d’un « Réveille-toi ! »), a décidé d’utiliser le pognon pour une barque de sauvetage pour les migrants naufragés.

  Vous imaginiez peut-être alors que le jour où vous seriez tous naufragés viendrait, essayant d’émigrer d’un monde détruit, peuplé de débris et de cauchemars, cherchant qui ouvrirait ses bras pour vous accueillir et ainsi tenter de recommencer…

  Le silence gouverne et décide, et seule votre voix s’entend. Même les grillons, toujours malotrus, se sont tus.

  Le jour suivant, à la cantine « Cours avant que je t’Attrape », vous entendez qu’un ancien déclare : « Moi, j’ai aimé cette histoire parce que j’y suis plus jeune ». Une femme âgée : « Et moi aussi, parce que j’y suis belle », et elle ajoute avec coquetterie « Bon, encore plus belle ». À une autre table, deux jeunes : « Ce que je n’ai pas compris, c’est ce qu’avait à voir le clebs dans cette histoire » ; l’autre : « Tu crois que c’est un clebs ? Moi, j’ai clairement vu un chat » ; « Mais tu rêves, il a même aboyé » ; « Il n’a pas aboyé, j’ai très bien entendu qu’il a fait comme un chat ». Plus tard, à l’assemblée, on dit « Compteur », tous se retournent vers vous et vous comprenez, vous vous mettez debout et vous déclarez « Présent ».

  En vous-même, vous pensez « Comme disait ma grand-mère : ma fille, tu es bonne en arithmétique, quand tu seras grande, tu seras compteuse. » Votre sourire disparaît quand vous entendez « C’est à toi d’aider Doña Juanita à la cuisine. »

  Vous allez en direction de la cuisine quand vous alpague une petite fille (de 5-6 ans) qui, sans plus, vous lâche : « Eh Compteur, raconte-moi un conte dans lequel je sais faire du vélo. Parce que j’en ai marre de toujours tomber. » La petite fille vous montre son genou pour que vous puissiez apprécier une écorchure encore pleine de sang et de poussière. Vous demandez aimablement : « Tu as très mal ? » Elle met les mains sur ses hanches et conclut : « Pas trop, t’inquiète, les moqueries de ces foutus hommes qui ne font que se vanter font bien plus mal alors qu’eux aussi ils tombent, je les ai vus l’autre jour. Le Pedrito lui aussi, il est tombé, mais sa tête a atterri dans la boue, donc il a juste eu à se laver cet espèce d’enfoiré et il se moque de moi. Mais c’est que moi je suis tombée dans les graviers. Parce que faire du vélo dans les graviers, c’est pas pour n’importe qui. »

  À ce moment-là, un compa passe et vous dit : « Écoute Compteuse, si le capitaine arrive et qu’il te demande de préparer un plat qui s’appelle Marco’s Especial, ne fais pas attention à lui. Le monde entier t’en sera reconnaissant. »

  Vous êtes relativement intelligente, vous comprenez donc deux choses : que le plat du capitaine n’est le bienvenu sur aucune des tables, et que le monde est maintenant cette petite communauté à la recherche de son propre destin. Un groupe de personnes survivantes de la tempête qui, en tant qu’individus ou en tant que collectif, cherchent à aller de l’avant, à recommencer quoi, sans répéter les mêmes erreurs… le jour d’après.

À suivre…

Depuis la veille.

Le Capitaine.

Octobre 2024.

 

Convocation aux Rencontres Internationales de Rébellions et résistances 2024-2025. Thème : la Tempête et le Jour d’Après  :

https://enlacezapatista.ezln.org.mx/2024/10/16/convocation-aux-rencontres-internationales-de-rebellions-et-resistances-2024-2025-theme-la-tempete-et-le-jour-dapres/

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