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Palabra del Ejército Zapatista de Liberación Nacional

Dic172019

UNE BALEINE DANS LES MONTAGNES DU SUD-EST DU MEXIQUE (Créateurs et Créatures)

UNE BALEINE DANS LES MONTAGNES DU SUD-EST DU MEXIQUE
(Créateurs et Créatures)

Commission Sexta de l’EZLN

Mexique

Décembre 2019

Au Congrès national indigène, Conseil indigène de gouvernement,
Aux personnes, groupes, collectifs et organisations de la Sexta nationale et internationale,
Aux réseaux de résistance et de rébellion,
Aux accros au cinéma,

CONSIDÉRANT QUE :

Article premier et unique

UNE BALEINE DANS LES MONTAGNES DU SUD-EST DU MEXIQUE
(Créateurs et Créatures)

Vous ne savez pas comment vous êtes arrivé là. Oui, on dirait que ça devient une habitude… « Us et coutumes citoyennes », vous vous souvenez de ce que disait le feu SupMarcos, et vous vous souvenez aussi de l’irritation que vous causaient ces commentaires sarcastiques… enfin, pas seulement ça. La soirée laisse maintenant sa place à la nuit. Vous vous êtes arrêté parce que vous avez vu de loin une étoile rouge à cinq branches au sommet d’une colline, puis une sorte de pancarte monumentale avec tant de lettres que vous n’êtes pas arrivé à lire de quoi il s’agissait. Au-delà, une silhouette bleutée d’un cheval hennissant et quelques grosses lettres qui, dans la lumière, composent les mots : « TULAN KAW ZAPATISTA ». À l’entrée, la petite fille qui vous a guidé dans ce premier cinéma impossible et sa bande de filles et de garçons, s’approchent de vous. Vous hésitez à fuir, à faire semblant de ne pas les connaître ou à rester sur le qui-vive. Toute stratégie s’effondre parce que la fillette vous prend par la main et vous fait un reproche : « Toujours en retard. »

Vous traversez une esplanade, comme dans une sorte de foire de village. Dans une espèce de route sinueuse, il y a des « stations » avec différents bricolages de lumières et de sons, des déguisements de… monstres, des circassien·ne·s, des trapézistes, quelqu’un enseignant les arts, là, on écoute de la musique, on danse et on chante. Les gens tourbillonnent dans leur « station » préférée et il y a des rires, des cris d’admiration et de surprise. En outre, bien sûr, des « selfies ». Pour commencer le parcours, un grand écran. Vous êtes sur le point de dire « ça ressemble à un drive-in », mais une enseigne met les choses au point : « Pie Cinema (pied-cinéma). Ce soir : Cantinflas et Manuel Medel dans Águila o Sol. Demain : Piporro et Pedro Infante dans Ahí viene Martín Corona. »

La petite fille vous entraîne dans une marche en zigzag : devant se trouve un être étrange, semblable à un chat ou à un chien ; à ses côtés, d’autres filles et garçons parlent tous en même temps.

Vous essayez de comprendre ce qu’ils disent, mais ensuite vous regardez une grande toile avec l’image de Boris Karloff (?) maquillé en créature de Frankenstein, avec une tasse dans une main et un morceau de pain mordu dans l’autre. La légende énonce une vérité ancestrale : « Rien de tel qu’un petit café et un casse-croûte pour revenir à la vie. » En arrière-plan, de l’autre côté, on peut lire « Chirurgie maxillo-faciale. Montrez votre meilleur visage et un sourire irrésistible » et l’image des différentes versions de la créature des suites et des pré-épisodes de Alien, le huitième passager. Vous vous tâtez instinctivement les joues et oui, vous tremblez.

Il y a beaucoup de lumières clignotantes de couleur, un grand réfectoire (vous arrivez à lire « ZAPATISTE » et « BIENVENUE »), et vous alliez dire qu’il fait froid et que vous prendriez bien un café chaud et peut-être bien quelque chose à manger, quand vous voyez, sur un des murs de la salle, une autre banderole avec la photo d’Edward James Olmos qui annonce : « Sushi arrosés. Cours d’origami. Élimination de parasites. Nœuds papillons. Gaff & Company ». En haut, comme suspendue dans le ciel, l’image animée de la geisha de Blade Runner. Vous arrêtez un instant, essayez de deviner comment ce truc-là est possible, mais les gens derrière vous poussent.

Presque à la fin de « la route des stations », il y a une table avec une grande maquette de ce qui pourrait être une construction, avec un panneau qui dit « Projet de théâtre », et une boîte qui sert de tirelire où il est précisé « Donations anonymes ». Derrière un magasin d’artisanat, l’image d’un « Alien » fait la réclame de foulards et de masques pour dormir.

Puis un chemin pavé de lumière et la silhouette d’une grande étoile rouge, et, au milieu de décombres apparemment placés à cet effet, des images changeantes d’un décor dystopique. Dans la forêt, en haut de la montagne, on devine des lumières vacillantes. Oui, comme si, au lieu d’un arbre, les zapatistes avaient orné toute la montagne de lumières et les arbres de la forêt n’étaient que les branches de ce grand pin obèse.

Vous pensez qu’il vaut mieux s’en retourner, rien de tranquillisant ne se passe dans les terres du zapatisme… du moins pas pour vous. Chaque fois que vous venez, vous vous retrouvez avec un sentiment d’insatisfaction et de scepticisme à l’égard de vous-même. Et il vous faut beaucoup de bain de vie quotidienne urbaine pour revenir à la normale. Alors vous tardez un peu, cherchant l’occasion de vous en retourner sans que les enfants vous voient…

Mais ensuite vous la voyez et vous vous arrêtez.

Vous vous dites que vous avez vu de tout, que c’est à ça que servent l’Internet et le haut débit, mais ce que vous voyez maintenant est tellement illogique que… Bon, vous sortez votre téléphone portable et vous tentez une photo panoramique, mais presque immédiatement vous comprenez que c’est impossible. Vous auriez besoin d’un satellite pour capter l’ensemble, parce que ça se voit que tout ça est une pièce d’un puzzle et pour le compléter, vous devez marcher… et fermer les yeux.

Mais quand vous les rouvrez, elle est toujours là. Une grande construction. Une sorte de galerie qui, défiant les lois de la physique, s’étire jusqu’à se perdre entre les arbres, dans la peau humide de la montagne. Une nef dont la figure de proue est une étoile rouge à cinq branches. Vous ne seriez pas surpris si, sur le côté devant vous, des écoutilles s’ouvraient et en sortaient des dizaines, des centaines, des milliers de rames… et si vous trouviez à l’intérieur, « écrivant sur la mer », le Manchot de Lépante. On dirait un galion. Ou un baleinier…. Non, plutôt une baleine errante qui, s’efforçant de nager à contre-courant et en montée, repose maintenant entre les arbres et les gens. Oui, beaucoup de gens. De toutes les tailles. Et de toutes les couleurs, car bien qu’il semble que la plupart d’entre eux aient le visage caché, leurs vêtements sont comme un kaléidoscope se déplaçant autour du grand cétacé, absurde dans son repos au milieu de la montagne, car absurde est tout ce qui s’y passe.

Non, il ne vous est pas venu à l’esprit que ce pourrait être le navire « Pequod », mais la légendaire Moby Dick, la baleine obsession d’Achab, de Gregory Peck et de Herman Melville.

« Festival du film », vous vous souvenez avoir lu sur plusieurs panneaux. Mais il n’y a aucune référence au film de John Huston ou au roman de Melville. Alors vous vous souvenez de ce que les zapatistes ont dit un jour : « Nous, femmes et hommes, nous parlons pour un autre temps. Notre parole sera comprise dans d’autres calendriers et géographies. » Pourtant, vous êtes prêt à répondre « Appelez-moi Ismaël » si quelqu’un vous demande votre nom, mais alors vous regardez attentivement les trois grandes toiles qui couvrent le mur latéral et, au milieu, celle d’un corps bordé de lances et de cordes, on peut lire :

Trempülkalwe

« C’est une langue mapuche, ou mapudungun », entendez-vous quelqu’un expliquer à quelqu’un d’autre. Un peu plus haut, une autre inscription affirme : « MARICHIWEU ! Dix, cent, mille fois nous vaincrons. » Et, comme pour le confirmer, tout autour, dix, cent, mille personnes encapuchées, rameurs de cette paradoxale galère de bonne voile. Jeunes hommes, femmes et autres zapatistes. Comme pour dire que chacune de leurs existences, de leurs vies, était une victoire sur un passé qui leur promettait mort et oubli.

Ici, dans les montagnes du Sud-Est mexicain, vous rencontrez ce cri de résistance et de rébellion mapuche. Pourquoi le zapatisme salue-t-il ainsi et ici les indigènes ? Pourquoi cette volonté d’invoquer une histoire ancestrale de résistance et de rébellion du sud le plus profond du continent et de venir la semer dans cette montagne qu’on appelle aussi « Tulan Kaw » (« cheval fort » en tojolabal et tseltal) et ainsi réunir, de manière irrationnelle, anachronique, deux résistances et rebellions ayant le même objectif : défendre la Terre mère ?

Vous essayez de déchiffrer ce casse-tête lorsque la bande des enfants vous pousse dans le ventre de la baleine… ok, de l’auditorium. Des bancs en bois, nombreux, échelonnés suivant la pente de la montagne, une scène avec des tables et trois écrans (la version zapatiste de la 3D), des baffles, des câbles comme des tripes en désordre.

La petite fille vous dit : « Tu nous attends ici. Nous allons chercher des pop-corn. Vous essayez de lui dire que vous n’avez pas vu de stand de pop-corn, mais la bande d’enfants disparaît et quittent l’intérieur du cétacé… ok, de l’auditorium. Pendant que vous attendez, vous observez à l’intérieur de la construction. Sur les bancs, des êtres de toute sorte. Sur la scène, des gens qui, vous le supposez, créent du cinéma. Et c’est qu’ils parlent de cinéma, mais on dirait qu’ils répondent à des questions qu’apparemment personne ne leur a posées… du moins personne de visible. Ou bien ils parlent pour eux-mêmes.

La petite fille et sa bande reviennent en courant, portant tous des sachets de pop-corn. La fillette vous donne un sachet en vous expliquant : « Je n’ai pas mis beaucoup de sauce parce que et si tu as mal au ventre après. » L’entrée du groupe des enfants est comme un signe, et les gens sortent en foule. Ceux qui sont sur la scène soupirent de soulagement. Quelqu’un avoue : « Je me souviens pourquoi je me suis consacré au cinéma ! » Un autre : « C’est comme un film d’horreur mélangé à un thriller et à de la science-fiction, et je crains que le scénario ne me réserve rien de bon. » Un autre plus loin : « Eh bien, je ne savais pas quoi lui répondre, elle posait trop de questions. » « C’est vrai, dit un autre encore, comme être au tribunal, mais sans avocat défenseur… et sachant que vous êtes coupable. »

La petite fille vous dit à l’oreille : « Si le SupGaleano vient nous chercher, tu lui dis que nous sommes là depuis le début, que tu as apporté des pop-corn de la ville et les a partagés avec nous. Même si tu vois qu’il se fâche, toi tiens bon, rien de rien, résistance et rébellion. » On entend dans un haut-parleur : « Nous vous remercions de toute information sur l’endroit où se trouve un chien-chat, il est recherché pour vol de matériel stratégique du commandement général. Il est censé être accompagné d’un groupe de petites filles et de petits garçons qui… bon, oubliez les filles et les garçons, mais le chien-chat est facile à reconnaître. » Le susdit se cache dans le giron de la petite fille et, oui, vous jureriez qu’il a un sourire malicieux.

Vous vous demandez s’il faut mentir ou non à un sous-commandant, quand les gens reviennent tous avec des sachets de pop-corn odorants, prennent place et, sur la scène, quelqu’un dit : « Est-ce que personne ne va poser une question frivole ? Je veux dire, pour revenir à la normale et que tout le monde pense que c’est un festival de ciné comme les autres. »

« Eh bien, vous vous dites, un festival de cinéma où l’on attend des explications, des raisons, des réflexions. Comme si un grand point d’interrogation apparaissait à l’écran et que tout le monde, tout le monde, toutes et tous attendaient… attendent quoi ? » La jeune fille vous confie : « Nous sommes un peu contents parce que sont venus ces personnes qui font des films. C’est que, et si ils sont tristes, ou si leur cœur se sent mal de ne pas savoir où sont leurs bébés ? Pas vrai ? Alors, nous les invitons à venir nous dire s’ils vont bien, ou mal ou selon. Et si elles dansaient et mangeaient du pop-corn et que leurs cœurs se réjouissent », dit la petite fille la bouche pleine et les joues tachées de sauce.

Il semble qu’il y a une pause, et donc tout le monde sort, y compris vous. À votre surprise, il y a maintenant un stand de pop-corn sur roue qui, tel un cerf-volant plein de lumières, traîne une longue file d’enfants qui attendent leur tour. Il y en a un autre plus bas. Et on peut en deviner un autre plus loin. Vous faites la queue et, une fois pourvu de votre sachet de pop-corn, vous regardez ce cinéma absurde et son penchant rebelle, défiant la logique et la loi de la gravité…

La mythique baleine mapuche, Mocha Dick, qui remonte la montagne à la nage, avec tous ces gens sur le dos… « et, au milieu de tous, un grand fantôme en capuche, comme une montagne enneigée dans les airs » (Moby Dick, Herman Melville, 1851).

Un cétacé irrévérencieux comme pièce d’un puzzle.

Le cinéma comme quelque chose de plus, beaucoup plus qu’un film.

Comme si c’était ici une pièce d’un puzzle plus vaste : vous avez vu une grande affiche annonçant un festival de danse, une autre sur un forum sur la défense du territoire et de la Mère Terre, un autre sur une rencontre internationale de femmes qui luttent, un autre sur un anniversaire, et des signaux, beaucoup : ceux qui pointent vers les toilettes, les douches, l’Internet, l’épicerie, « Un monde où tiennent beaucoup de mondes », ainsi que ceux du conseil de bon gouvernement, de la commune autonome rebelle zapatiste, de la commission d’information et de vigilance… et vous ne seriez pas surpris de rencontrer Elías Contreras, fumant et assis devant une cahute où on lirait sur le linteau de la porte « Commission d’enquête ».

Il y a beaucoup de pièces éparses que vous détectez. Parce que vous voyez d’autres personnes qui se différencient des locaux seulement par leur badge « Congreso Nacional Indígena » et, bien sûr, parce qu’elles n’ont pas de visage caché ; ainsi que des « citoyennes et citoyens », comme les zapatistes appellent ceux qui vivent ou survivent dans les villes.

Et vous désespérez de savoir qu’il y a et qu’il y aura d’autres pièces encore.

Comme si le zapatisme s’obstinait à défier l’humanité avec des énigmes… ou avec la silhouette d’un monde, d’un autre monde.

Comme si votre vie importait à quelqu’un que vous ne connaissez pas. Quelqu’un pour qui vous avez fait peut-être beaucoup, peu ou rien, mais qui tient compte de vous.

Comme si c’était seulement là que tu avais compris que cet « Escargot de notre vie » t’inclut toi et les tiens… dix, cent, mille fois.

Et cette pièce du puzzle, le cinéma, comme la vie, à l’intérieur d’une baleine qui remonte, blessée aux flancs, les montagnes du Sud-Est mexicain…

Mais c’est impossible… ou pas ?

Sur la base de ce qui précède, la Commission Sexta de l’EZLN invite les hommes, les femmes, les autres, les enfants et les personnes âgées de la Sexta, du CNI et des réseaux de résistance et de rébellion du monde entier, et, bon, les cinéphiles qui le peuvent et le veulent, au FESTIVAL DE CINEMA

« PUY TA CUXLEJALTIC »
(« Escargot de notre vie »),

dont la deuxième édition se tiendra au Caracol zapatiste de Tulan Kaw,
dans les montagnes du Sud-Est mexicain, du 7 au 15 décembre 2019.

Les films qui seront projetés et les activités du festival seront rendus publics prochainement sur le site du festival.

Des montagnes du Sud-Est mexicain.

Le SupGaleano,
poursuivant la mutation la plus redoutable du Xénomorphe : le Chat-Chien.
Quoi ? Eh bien, il a volé mes pop-corn. Et le cinéma sans pop-corn, c’est… comment l’expliquer ?…
comme des tacos sans sauce, comme Messi sans ballon, comme un âne sans corde, comme un pingouin sans frac,
comme Sherlock sans Watson, comme Donald Trump sans Twitter (ou vice versa)…
Hein ? ok, c’était un autre mauvais exemple.
Mexique, décembre 2019.

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