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Palabra del Ejército Zapatista de Liberación Nacional

Jun262017

LE MONDE CAPITALISTE EST UN GRAND DOMAINE FORTIFIE

Paroles du sous-commandant insurgé Moisés, mercredi 12 avril 2017.

LE MONDE CAPITALISTE EST UN GRAND DOMAINE FORTIFIE

Bonne nuit, bonne après-midi, bonjour, selon depuis où vous nous écoutez. 
Frères et sœurs, compañeros, compañeras:

Ce que je vais vous raconter ce n’est pas ce que je crois, mais ce dont nous ont parlé nos arrière-grands-pères, nos arrière-grands-mères et nos grands-parents. 

J’ai discuté avec un de nos arrière-grands-parents qui dit, lui, qu’il a 140 ans. Selon moi et mes calculs, à peu près 125 ans. Il faut être très proche de son oreille, pour qu’il entende ce que tu lui demandes. 

Avec plus ou moins une vingtaine et quelques de ces arrière-grands-parents, j’ai discuté. On leur a posé des questions – parce qu’étaient également présents sur place les compañeros du Comité Clandestin – et donc le résultat, c’est que la partie de ce que racontait le Sub Galeano, cela va avec quelque chose de réel qu’ils et elles ont discuté avec nous. 

Par exemple la tuile qu’ils faisaient avant pour les finqueros – c’est-à-dire les propriétaires des haciendas, des grands domaines, le patron, comme eux ils disent-. Leur tâche, c’était de faire des sacs avec des excréments de cheval. Et ça, ils le sèchent. Après les avoir séchés, ils les réduisent en miettes avec le bout d’un bâton, et ils l’enrichissent. Et pour cela du coup, ils le mélangent avec de la boue pour faire la tuile, pour faire les briques et le torchis avec lesquels on construisait leur maison aux patrons, aux grands propriétaires. 

L’arrière-grand-père, il dit que lui il se rappelle pourquoi c’est par tâche. Par tâche, ça veut dire qu’ils devaient donner telle quantité de sacs, chacun d’entre eux. Ce qu’il faisaient, c’est que même quand le cheval venait à peine de déféquer, ils devaient l’apporter, avec l’eau qui s’écoulait dans leur dos. Le truc c’est qu’il faut apporter la quantité de sacs que le patron a décidée. 

Et donc, de là ils ont appris aussi à faire leurs maisons à eux. Ils les ont utilisés pareil. Ils les appellent murs de boue, des bajareques, des cabanes en torchis, on appelle ça. Et donc pareil, ils ont appris d’eux quoi, mais c’est plus petit, c’est deux fois moins grand.

Et donc ce dont je vais vous parler un peu plus c’est d’où vient notre idée à nous, en tant que zapatistes que nous sommes, qui voyons et étudions comment nous sommes aujourd’hui par rapport à ceux qui nous exploitent. Et donc en résumé je vais vous le dire, parce que c’est cela qui va nous servir pour comprendre ce qui s’est passé avant et comment nous sommes aujourd’hui, et comment cela va continuer par la suite. 

Et donc, ce qu’ils nous disent nos grands-parents, nos arrière-grands-pères et grands-mères, c’est que le patron c’est le propriétaire des fincas, des grands domaines, de plein de fincas, de plein d’haciendas, de grandes propriétés. Tous les patrons ont leurs caporaux, leurs majordomes et leurs contremaîtres. Ces trois, quatre là avec le patron. 

Ils nous racontent que des grands domaines il en existe de 15 mille, de 20 mille et de 25 mille hectares. Et qu’il y a des grands domaines de différentes sortes de travaux. Il y a des domaines, c’est juste un type de travail, du café. Et il y a des domaines qui sont de café, de bétail, de maïs, de haricots, de canne à sucre…. De différents sortes de travaux quoi. 

Ils nous racontent aussi leur manière de comment exploiter. Ils nous racontent qu’il y a des finqueros, des grands propriétaires ou des propriétaires de grands domaines qui ne leur ont jamais rien payé. Tout le temps de leur vie, ils leur ont seulement fourni le travail. D’autres nous racontent que seul le dimanche, ils le leur accordaient; tous les autres jours c’est pour le patron. D’autres nous racontent que le patron leur donnait une semaine pour le patron et une semaine pour eux. Mais c’est une astuce, c’est un stratagème, parce que –nous racontent-ils- de la semaine qui est soi-disant pour eux, pour nos arrière-grands-pères et mères, ils nous racontent que ce qu’ils récoltent, ce qu’ils ramassent cette semaine-là (que ce soit des haricots, du maïs, quelques animaux qu’ils regroupent), au moment de les vendre, il faut qu’ils donnent la moitié au patron, et eux il leur reste l’autre moitié. 

Ils nous racontent que quand le patron veut voir si le bétail est au complet, ils doivent le ramener, transporter les animaux quoi, et les mettre dans un enclos. Ils nous racontent que du coup, si il en manque un des animaux du patron, ceux qui sont chargés du bétail, ils doivent aller le chercher, et il faut qu’ils le ramènent vivant ou mort. Comment il fait pour demander ça le patron, le grand-propriétaire quoi, comment il a la preuve qu’il est mort ? Il faut qu’il lui ramène un bout de la peau de l’animal, pour que le patron se rende compte que l’animal est bel et bien mort. S’ils ne les retrouvent pas, ils doivent les chercher, jusqu’à les retrouver morts ou vifs. 

Et le patron quand il sort les bêtes pour les vendre, alors les travailleurs il les organise par groupes, chacun avec un certain nombre de têtes de bétail.Que ce soit 10, 20 personnes, des hommes, avec tant de têtes d’animaux à amener. Le patron les compte à la sortie et il les compte en les reprenant, là où il veut que l’animal arrive. Chaque personne doit ramener la quantité complète. Si la quantité n’est pas complète, c’est eux qui doivent payer, ou bien celui qui en est responsable.

Ils nous racontent que l’enclos, lorsque le patron le veut, il doit être en pierre, l’enclos. Ou alors avec du bois taillé à la hache. Mais ils disent qu’il faut que ce soit du bois du coeur même de l’arbre. Ca veut dire que c’est la partie la plus dure du bois, pour qu’il ne pourrisse pas ensuite. Du coup, ils n’acceptentpas la partie tendre. Le patron ne le prend pas. 

Ils nous racontent aussi que, quand ils sortent pour vendre les cochons (pas le patron, mais l’animal: les porcs, les truies quoi), même chose qu’avec le bétail. Juste que là oui, il y a une différence, nous racontent les grands-pères et les arrières-grands-pères. Ils racontent qu’il faut emmener le troupeau pendant la nuit, car les cochons, ils ont chaud. Donc, leur lampe, leur lumière, nous, comme on dit, c’est l’ocote, la torche en pin. Ils portent des bouts de bois fendus d’ocote pour que ce soit leur lumière pour marcher de nuit. Pareil, avec un nombre de cochons pour chaque responsable. Et s’ils veulentmarcher de jour, ils doivent y aller en portant de l’eau pour mouiller les cochons, c’est-à-dire pour les rafraîchir, pour qu’ils ne souffrent pas de la chaleur. 

Ils nous racontent que les femmes, les grands-mères et arrière-grands-mères racontent que le patron a sa manière de comment il veut les choses. Par exemple, les grands-mères et les arrière-grands-mères disent que quand le travail est dur, c’est les femmes mariées qui doivent y aller. Quel est leur travail? Moudre du café, moudre du sel par sacs entiers. Et alors elles nous racontent que les mères s’y rendent avec leurs enfants, et pour moudre le sel, il faut que ça soit fait avec le metate en pierre. Et sur place, il y a les caporaux, les majordomes et les contremaîtres, et la patronne et le patron. Elles amènent sur place leur bébé qui est dans leur dos à pleurer et pleurer et pleurer, et ils ne les laissent pas s’occuper du bébé, parce que le patron est là, et qu’elle, elle doit finir sa tâche. Et du coup c’est lorsqu’au patron ou à la patronne, il lui prend l’envie d’aller aux toilettes, que la maman peut en profiter pour allaiter sesenfants. 

Elles nous racontent que le patron demande que ce ne soit que des jeunes filles qui viennent travailler à sa maison dans le grand domaine, pour faire différents types de tâches. Mais une de ses ruses au patron, c’est qu’il choisit une jeune fille et il lui dit: «toi, je veux que tu ailles faire le lit», changer les draps. Et quand la jeune fille entre, le patron y va aussi pour la violer. Et donc il les choisit. Et elles nous racontent aussi que s’il le veut, il les attrape. 

Elles nous racontent aussi ce que je vous ai déjà dit, qu’elles vont moudre le café, qu’elles vont moudre le sel, que le salaire que leur donnait le patronc’était trois morceaux de boeuf, mais des bêtes qui sont déjà mortes. C’était ça la paie. 

Ils nous racontent aussi que même aux enfants, ils leur donnent du travail. Personne n’y échappe. Ils les appellent «gardien», mais pas gardien de football. C’est juste le nom qu’ils leur ont donné quoi, «gardien»: Leur travail, à ces enfants de six ans, c’est de moudre le nixtamal (le maïs cuit) mais sans chaux, pour le donner aux chiens, aux cochons et aux poulets. Une fois terminé, ils doivent porter l’eau, et plein de fois, ils la portaient sur le dos, avec un tonneau, ils disent. Le tonneau, c’est du bois qu’on enlève et où on fait un trou, on le perfore quoi. Il y a entre 18 et 20 litres qui tiennent dans ce tonneau: c’est ça que doivent porter les enfants, pour que le patron se lave les mains, prenne son bain, pour ce qu’il veut quoi. Un fois ça terminé, ils sont chargés d’allerchercher du bois. Une fois terminé, ils sont chargés d’égrainer le maïs.

Ils nous racontent aussi que les vieux, ceux qui ne peuvent plus travailler dans les champs, les vieilles… personne n’y échappe. Les vieillards, ils vont allerchercher une plante qu’on appelle «ixchte»: et donc ce dont se chargent les vieillards, c’est de la râper pour que du fil en sorte. Un groupe se charge de ça, de la râper. Et un autre groupe de vieillards de la tresser pour en faire du fil. Et un autre groupe de vieillards se charge de faire les filets. C’est comme ça, en chaîne, le travail des vieillards. Et les vieilles? Un groupe se charge de démêler les fibres du coton. Et un autre groupe se charge d’en faire du fil, et un autrede le tisser pour faire une couverture. Et ce morceau de couverture, c’est celui qu’ensuite ils achètent, nos arrière-grands-pères, nos arrière-grands-mères, pour se couvrir. Ils nous racontent que les vêtements qu’ils utilisaient, c’était juste pour couvrir la partie principale, juste ça, ce n’est pas comme on estmaintenant.

Ils nous parlent aussi des punitions. Les punitions, il y en a de différentes sortes. L’une d’elle, c’est que le patron a laissé mélanger le maïs et le haricot. Et donc, ce que le patron il fait, c’est qu’il les arrose là dans la terre, et il te dit que tu dois séparer le maïs et le haricot. Il le sait bien – c’est ce qu’ils nous racontent – le patron que tu ne vas pas pouvoir. Parce qu’en plus il te donne le temps pour le faire. Et le temps que le patron il te donne, c’est de dire: «moi je vais cracher par terre, et le temps que sèche ma salive, c’est le temps durant lequel je veux que tu sépares le maïs mélangé au haricot». Et du coup, comment tu vas faire?

Et donc, comme on ne peut pas accomplir ce type de punition, à côté, il y a un terrain déjà préparé où le patron, il a rassemblé des pierres. Là, sur ce terrain, c’est là où il va falloir marcher agenouillé, parce que tu n’as pas pu séparer le haricot mélangé au maïs. Là tu vas t’agenouiller. Et tu ne dois pas te relever jusqu’à ce que ça lui aille, au patron. Si tu te relèves, c’est que tu n’acceptes pas ta punition. Et donc, si toi tu supportes ça, eh bien c’est là qu’on en vient au fouet. Je vais le dire exactement comme l’ont dit les grands-parents. Ils ont dit que du coup, quand le patron, il avait un taureau qui mourrait, ils enlevaient la bite du taureau et ils la faisaient sécher, et c’est elle qu’ils utilisent pour fouetter leurs travailleurs. Et donc au moment où tu te retrouves agenouillé là-bas, le patron arrive pour te fouetter et tu ne dois pas te relever, parce qu’ils disent – c’est ce qu’ils nous racontent- que si tu te relèves, c’est encore pire. Et ils disent – c’est ce qu’ils nous racontent- que t’es obligé de te relever à cause de la douleur du fouet qu’ils t’assènent, et à cause de la douleur des genoux que tu ne supportes plus, et t’es obligé de te relever.

Et au moment où tu te relèves, il y a déjà les caporaux, les majordomes et les contremaîtres qui sont là, qui sont ceux qui te chopent et qui t’attachent les deux mains et les pieds aux poutres de la maison, jusqu’à ce que ça lui passe au patron son envie de fouetter, ou jusqu’à ce qu’ils se rendent compte que – comme disent les grands-parents, tu finisses mallugado. Ca veut dire que tu restes évanoui, déjà inconscient. Et donc c’est quand t’en arrives à cet étatque le patron, il te laisse.

Ce qu’ils nous racontent, c’est que dans les travaux qui sont effectués, tout est à la tâche. Il n’y a rien de ce qui est fait qui n’est pas calculé à la tâche. Et tout ça, avec les caporaux, avec les majordomes et avec les contremaîtres. Ils nous parlent par exemple des plantations de café. Lorsque c’est la saison de cueillir le café, tout le monde y va, et c’est à la tâche qu’est calculée la quantité qu’ils doivent remettre. Et les enfants qui ne peuvent pas y arriver, qui sont trop petits pour atteindre les branches où sont les grains de café, leur travail consiste à ramasser tout ce qui est tombé. Quand ce n’est plus la saison de récolter le café, arrive le moment de différents types de travaux: un groupe se charge de désherber la plantation de café, c’est-à-dire le sous-bois; un autre groupe se charge de ce qu’ils appellent «la mise en caisse» c’est-à-dire qu’à chaque arbuste de café il faut qu’ils construisent un caisson où ils vont mettre le compost; un autre groupe se charge de nettoyer l’arbuste de café, parce qu’il y a de la broussaille sur la tige de l’arbuste, et du coup il faut tout enlever. Et ce qu’ils disent, les grands-parents et les arrière-grands-parents – c’est ce qu’ils nous racontent- c’est qu’à la main on y arrive pas, et donc ce qu’ils font c’est qu’ils brûlent l’olote du maïs, parce que quand la feuille est brûlée il lui reste son fil, et c’est avec ça qu’ils les taillent, parce que le contremaître passe vérifier que tout est bien fait. Et si c’est pas le cas, il faut que tu recommences. Et si tu ne le refais pas, à la punition.

ls nous racontent aussi qu’un groupe se charge de tailler le café; il ne doit pas y avoir de lianes ni de broussailles sur l’arbuste du café. ils nous racontent aussi qu’il y a un autre groupe qui est chargé de ce qu’ils appellent «l’éclaircie», comme ils disent. C’est-à-dire que s’il y a des arbres au-dessus, ils doiventfaire partir l’ombre; mais seulement le nécessaire, comme dit le patron.

Ils nous racontent aussi que dans toutes les fincas qu’il y a eu et qu’il y a encore – parce qu’il continue à y en avoir – il y a toujours l’ermitage, comme ils l’appellent. Et donc quand ils s’y rendent à l’heure de la prière, là-bas il y a des chaises et des bancs, mais nos arrière-grands-parents ne peuvent pas s’asseoir. Si jamais ils s’asseyent, ils les virent. Et le prêtre, il les regarde; il ne dit rien. Il n’y a que les patrons ou ceux qui sont métis qui peuvent s’asseoir. Et si eux ils veulent s’asseoir, c’est par terre.

Dans les villes- c’est ce qu’ils nous racontent -, ils interdisent à nos arrière-grands-parents de vendre le peu qu’ils ont. Ils nous disent que c’est parce qu’ilssalissent la ville. Ils n’autorisent pas à ce qu’ils aillent dans le centre. Et donc ce que font les métis, c’est qu’ils ferment les abords de la ville. Et ils leurprennent tout s’ils veulent vendre, ou bien ils leur paient ce que eux ont décidé.

Nos arrière-grands-parents nous racontent qu’en ces temps-là, il n’y avait pas de route, que des charrettes avec des chevaux. Et donc quand la femme du patron, elle veut aller à l’hacienda, à la finca, elle n’utilise pas le cheval avec la charrette, parce que «l’animal est un animal, il ne pense pas». Elle peut avoir un accident, la femme du patron. Et qu’est-ce qu’ils font, pareil: un groupe va à la ville pour amener la femme du patron en la portant. Mais en plus ils doivent amener des marchandises, et donc un groupe y va et ils se répartissent les charges à tour de rôle. Et en arrivant à l’hacienda ou à la finca, on lui demande, à la femme, s’il ne lui est rien arrivé. Et on lui demande aussi qui l’a portée et s’il n’y a eu aucun accident. Aussi bien à l’aller qu’au retour. 

Il y a encore tout un tas d’autres choses qu’ils nous ont raconté. Par exemple là, ils nous ont montré le «centavo», le centime qu’avant on leur payait. Ilsnous racontent que lorsque le patron a commencé à vouloir les payer un peu, ils gagnaient un centime par jour. Ils nous ont montré. Ils nous ont dit aussi qu’ils ne supportaient plus les mauvais traitements qu’ils subissaient. Ils disent qu’ils ont alors essayé de s’organiser, de chercher une terre où aller vivre. Donc les patrons, les propriétaires terriens, ils ont su qu’ils se sauvaient de la finca et ont commencé à chercher où ils étaient. Et nos arrière-grands-parents, ils nous racontent que ce sont les mêmes patrons qui se déguisent en soldats. Ils vont ensuite les déloger, détruire et brûler la petite maison qu’ils étaient en train de construire, où les arrière-grands-pères et les arrière-grands-mères ils veulent vivre.

Ils nous racontent que c’est ce qui leur est arrivé. Et c’est là qu’ils ont découvert que le patron – parce qu’un des arrière-grands-parents était déjà passé dans différentes fincas – était déguisé en soldat. Ils nous racontent qu’ils leur ont détruit les petites cabanes qu’ils avaient, et ils les ont réunis, ceux qui étaient partis créer le hameau, et ils leur ont dit : «qui c’est le meneur?». Comme ça, ils ont dit les soldats; «Qui c’est le meneur? Si vous, vous ne dites pas quic’est, vous allez tous devoir être punis». Et c’est là où ils ont dit : «un tel», celui qui a mené la fuite de la finca et chercher où vivre. Et donc ils lui ont dit : «tu vas payer 50 pesos». Et ils nous ont dit que pour trouver 50 pesos -je vous ai dit l’année, car l’arrière-grand-père dit qu’il a 140 ans, ce qui veut dire que ça se passait 140 ans avant aujourd’hui où nous sommes en train de parler-, donc, ils nous disent que pour trouver 50 pesos, c’est une année de travail,pour trouver 50 pesos.

Et donc ils se sont rendus compte que c’était difficile que quelqu’un veuille être le meneur pour pouvoir s’échapper de la souffrance. Mais ils nous ont aussiraconté que du coup ils ont pris conscience que c’était ainsi, et donc ce qu’ils ont fait c’était de ne pas dire qui c’était, mais que c’était le groupe. Ils ont recommencé à construire…à chercher un autre terrain quoi, et à construire leurs petites maisons, mais cette fois, ceux qui se dirigeaient c’était tout le monde. Plus personne ne pouvait dire qu’il y avait un meneur. C’est-à-dire qu’ils sont devenus un collectif. C’est comme ça qu’ils ont commencé à réussir àvivre quelque part. 

Et donc pourquoi on vous parle de tout ça? C’est que nous, les femmes et les hommes zapatistes, on voit qu’aujourd’hui, on entre de nouveau là-dedans. Dans le capitalisme, aujourd’hui, les pays n’existent pas. C’est comme ça qu’on le voit. Le capitalisme, il va convertir le monde en grand domaine, en finca. Il va en faire des miettes comme c’est déjà le cas, comme quand on dit que tel pays c’est le Mexique, tel pays le Guatemala – comme on dit-. Mais ça va juste être un groupe de patrons-gouvernement. Tous ceux qui disent que c’est le gouvernement de Peña Nieto… Nan, nan, nous on dit. C’est déjà plus un gouvernement. Parce que celui qui commande n’est plus celui qui commande. Celui qui commande, c’est le patron capitaliste. Ces gouvernements qui prétendent être: celui de Peña Nieto, celui du Guatemala, celui du Salvador et tous les autres, ce sont des contremaîtres. Les majordomes, c’est les gouverneurs. Les présidents municipaux, c’est les caporaux. Tout ça, au service du capitalisme. 

On voit donc qu’on n’a pas besoin d’étudier beaucoup pour se rendre compte de comment ça se passe. Parce que par exemple cette loi, cette nouvelle loi de la structure, la nouvelle loi structurelle qu’ils ont déjà mis en place ici au Mexique, nous on n’y croit pas, que ceux qui l’ont faite c’est les députés et les sénateurs. Cela, on l’avale pas. Cela, celui qui l’a dicté c’est le patron: le capitalisme. Parce que c’est eux qui veulent faire les choses de nouveau comme l’avaient fait leurs ancêtres avant, pareil. Mais aujourd’hui en encore pire. 

C’est pour ça qu’au début on a parlé de ça. On est en train de parler du fait que par exemple, Absalón Castellanos Domínguez, l’ex-général, il avait desfincas ici au Chiapas et il avait, ou il a encore des fincas à Oaxaca [NdT: ex-gouverneur du Chiapas durant les années 80 – et connu pour sa répression féroce -, Absalón Castellanos Domínguez a été détenu par les zapatistes suite au soulèvement de 1994, et les terres de ses fincas au Chiapas récupérées par le mouvement. Il a ensuite été libéré en échange de la libération de prisonniers zapatistes]. On parle de 5 mille, de 10 mille hectares. Ici, le capitalisme maintenant, c’est une finca. Quand le patron capitaliste dit:”je vais dans ma finca la mexicaine, je vais dans ma finca la guatémaltèque, je vais dans mafinca l’haïtienne, je vais dans ma finca de Costa Rica… tous ceux qui sont des pays sous-développés, ça va être la finca.

Ça veut dire que le monde, il va le transformer en finca le capitalisme, le patron, celui qui veut gouverner, si on le laisse faire. Et notre question à nous, les femmes et les hommes zapatistes: pourquoi eux – c’est-à-dire les capitalistes- pourquoi eux, ils changent les formes de comment réaliser l’exploitation ? Pourquoi nous, on ne change pas de forme de comment lutter pour nous sauver de cela?

C’est pour ça que je vous ai parlé de ce qu’ont fait nos arrière-grands-parents, d’où nous venons, nous les indigènes. Eux, ils nous ont dit ça, qu’à ce moment-là, ils ont fait une erreur quand ils disaient que « le comparse d’un tel nous dirigeait ». Mais ils n’ont pas laissé tomber. Ils ont cherché comment continuer à lutter pour sortir de là où est le patron, ils ont dit « personne ne nous a dirigé », « un pour tous et tous pour un ».

Et donc, pourquoi nous, maintenant? Pourquoi maintenant le capitalisme, il n’y a pas que nous qui sommes indigènes qui sommes en train de souffrir, icidans le monde.Maintenant, oui, nous sommes en train de souffrir aussi bien à la campagne qu’à la ville. C’est-à-dire indigènes et non-indigènes. Et donc, qu’est-ce qu’on va faire? 

Ici nous, les femmes et les hommes zapatistes, qui vivons comme ça, dans la merde du capitalisme, et qui continuons à lutter, et qui allons continuer à lutter… Petits comme nous sommes, mais nous montrons que donc – comme nous l’ont enseigné nos arrière-grands-parents – que si, il y a des manières de comment faire. On est là avec notre petit bout de liberté. Il nous manque encore de libérer le Mexique. Mais on se dit que donc du coup, comment on va faire pour se libérer dans le monde?

Mais ici, sur ce petit bout de monde, au Chiapas, les compañeros et les compañeras ont leur liberté pour faire ce qui leur vient à l’esprit. Ils ont dans leurs mains tout ce que cela signifie être autonome, indépendant. 

Mais comment on va faire? Qu’est-ce qu’on va faire? Parce que maintenant, on voit cela de ce que nous disons, que le monde va changer, que le monde,le capitalisme il veut le transformer en finca. 

Donc à vous de voir, d’y réfléchir, à vous de l’analyser. Regardez-le là où vous vivez, là où vous êtes, si vous n’y êtes pas, dans la merde du capitalisme,et qu’est-ce que là il faut faire avec ça. Parce que cela, c’est ce que le capitalisme il est en train de faire maintenant. 

Et maintenant, le sous-commandant insurgé Galeano va reprendre le fil de sa parole.

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