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Palabra del Ejército Zapatista de Liberación Nacional

Mar122015

MERCI III. LA CONSTRUCTION LA PLUS CHÈRE DU MONDE. Sous-commandant Insurgé Moisés. Sous-commandant Insurgé Galeano.

 MERCI III.

 LA CONSTRUCTION LA PLUS CHÈRE DU MONDE.

 Sous-commandant Insurgé Moisés.   Sous-commandant Insurgé Galeano. 

Février-Mars 2015.

La veille. Au petit matin. Le froid mord sous les vêtements des ombres. Sur la table qui, solitaire, meuble la baraque (qui n’a aucun panneau, mais on sait que maintenant c’est le quartier général de la commandance zapatiste) se trouve le papier froissé avec des lettres manuscrites où l’on trouve les détails de la construction de l’école-clinique dans La Realidad zapatiste. La voix résume les regards, les silences, la fumée, les rages :

Bon, les comptes ne sont pas du tout justes ! La vie de n’importe quel zapatiste vaut plus que la maison blanche de Pena Nieto et que toutes les maisons des riches du monde réunies. Ni tout l’argent que cela coûte de faire les grands édifices où les puissants se cachent pour réaliser leurs vols et leurs crimes n’arriverait à payer une seule goutte de sang indigène zapatiste. C’est pour cela que nous avons le sentiment que cette construction est la plus chère qu’il y ait dans le monde.

Ainsi, nous devons le dire clairement, ce qui n’apparaît pas dans les comptes d’argent, c’est le sang du Companero Galeano. Tous les papiers de l’histoire du monde ne suffiraient pas à écrire ces comptes.

Et donc, qu’ainsi vous le mettiez quand dans vos listes, dans les médias de communication, vous mettez qui est le plus riche, où est le plus pauvre. Car le riche a un nom et prénom, sa lignée son pedigree. Mais le pauvre a seulement une géographie et un calendrier. Mettez-le donc que la construction la plus chère de toute la planète est à La Realidad Zapatiste, Chiapas, Mexique. Et que les filles et les garçons indigènes zapatistes assistent à l’école la plus chère du monde. Et que les hommes, femmes, filles, garçons, anciens, anciennes, indigènes zapatistes, mexicaines et mexicains, lorsque l’on tombe malade à la Realidad, ils se font soigner dans la clinique la plus chère de la Terre.

Mais l’unique façon de rendre des compte juste c’est de lutter pour détruire le système capitaliste. Ne pas le changer. Ne pas l’améliorer. Ne pas le rendre plus humain, moins cruel, moins meurtrier. Non. Le détruite totalement. Annihiler toutes et chacune des têtes de l’Hydre.

Et malgré tout, en manquerait, puisqu’ici nous voulons lever quelque chose de nouveau et de bien mieux : construire un autre système, un sans maîtres ni patrons, sans autoritarisme, sans injustice, sans exploitation, sans mépris, sans répression, sans expulsion. Un système sans violence contre les femmes, les enfants, les différents. Un système où le travail est payé à sa juste valeur. Un système où ne règne pas l’ignorance. Un système où la faim et la mort violente seraient de mauvais souvenirs. Un système où personne n’est en haut parce que d’autres sont en bas. Un système raisonnable. Un système bien meilleur.

Alors, et alors seulement, nous hommes et femmes zapatistes pourrons dire que le compte est bon.

Merci beaucoup aux autres, hommes, femmes, filles, garçons, anciennes et anciens, groupes, collectifs, organisations et comme on dit de la Sexta et pas de la Sexta, du Mexique et du monde, pour l’appui que vous nous avez donné. Cette clinique et école est aussi la vôtre.

Du coup, vous savez que vous avez une clinique de santé autonome et une école autonome à La Realidad zapatiste.

Nous savons pour l’heure que vous êtes un peu loin, mais on ne sait jamais, le monde est rond, il tourne et il peut advenir peut être, peut-être, qui sait … que quelqu’un, un matin, comprenne que, c’est ça lutter pour que les comptes soient justes, et ainsi rentrer dans ses comptes.

 

Depuis les montagnes du sud-est Mexicain

Sous-commandant Insurgé Moisés.        Sous-commandant Insurgé Galeano.

La Realidad Zapatiste, Chiapas, Mexique.

Mars 2015.

SECTION «DU CAHIER DE NOTES DU CHAT-CHIEN» :

Notes de genre :

.- (…) C’est pourquoi, en tant que femmes de ce pays, nous avons besoin de nous organiser, parce qu’on voit bien qu’il y a de nombreuses disparitions. Nous sommes de nombreuses femmes à être mères, de celles qui subissent cette douleur, cette grande tristesse pour nos fils disparus, nos filles mortes. Parce que maintenant, au sein de ce mauvais système, en plus d’être humiliées, de nous faire disparaître, d’être exploitées, en plus de tout ça, ils viennent encore nous tuer et faire disparaître nos enfants. Tel le cas de ABC(1) et aujourd’hui celui des 43 disparus d’Ayotzinapa, les femmes disparues de Ciudad Juárez, le cas d’Aguas Blancas, et tout ceci est le système. Il ne résoudra pas nos problèmes, nous n’obtiendrons aucune réponse de ce système actuel. C’est pourquoi frères et sœurs, nous avons besoin de nous organiser car c’est ici, au sein du peuple lui-même, que nous allons décider, que nous allons trouver le chemin que nous voulons en tant que peuple. En tant que peuples d’hommes et de femmes, non seulement ceux des champs et les indigènes, mais vous aussi sœurs qui vivaient à la ville, car c’est entre nous que nous allons nous gouverner, et c’est ici, ensemble avec nos hommes, entre hommes et femmes, que nous allons construire un nouveau système, où nous serons réellement, en tant que femmes, prises en compte et peut-être qu’ici, compagnes, sœurs, trouverons-nous le soulagement à cette douleur qui nous tient aujourd’hui et de cette rage collective qui aujourd’hui nous unit.

(…) Maintenant que nous sommes au XXIe siècle, pas plus de quelques femmes pour jouir de la richesse, soit rien de plus que les femmes de riches, rien de plus que les femmes de présidents, des gouverneurs et rien de plus que les députées, les sénatrices, mais dans notre cas de femmes indigènes nous continuons d’endurer la douleur, la tristesse, l’amertume, le viol, l’exploitation, l’humiliation, la discrimination, l’emprisonnement, le mépris, la marginalisation, la torture, et bien plus, car pour nous, femmes, il n’y a pas de gouvernement. C’est pour ça que pour le reste des femmes du pays tout demeure égale, à la manière dont vivaient les femmes avant, comme au temps de ejidos (2), des colonies, de cette mauvaise culture que les grand-pères ramenèrent de leur vie avec les patrons, qui les commandaient, comme s’ils étaient les patrons de la maison, et qui disent encore: «Je commande» et ça d’être le père de famille. Et à qui commandaient-ils, à leurs femmes, et c’est ainsi qu’est apparu le plus horrible, que les femmes, ou soit les filles, les compagnes bien avant été obligées de se marier parce que les papas étaient ceux qui choisissaient qui leur convenait comme gendre. Ils choisissaient celui qui offrait le plus de verres à boire ou le plus d’argent et c’est comme ça que ça se passait au temps des ejidos, la femme n’était jamais prise en compte, comme lorsque les hommes s’organisaient, comme ils se sont organisés au travail, mais ici jamais n’était prise en compte la femme.

(…) Combien de femmes disparues, mortes, violées, exploitées et personne ne dit rien pour elles. Parce que ces femmes riches, ne sont que quelques-unes à jouir de la richesse des autres femmes exploitées. Ces femmes riches ne souffrent pas, elles ne ressentent pas la douleur, l’humiliation d’être exploitées parce que pauvres. Mais ce n’est pas pour ça que nous allons renoncer à nous organiser et à lutter en tant que femmes, parce que pour les femmes, dans le système il n’y a que douleur, tristesse, emprisonnement, humiliation, viol. Comme les mères des 43 étudiants disparus, de la garderies ABC et de la mine Pasta de Conchos. De la même manière à Acteal, mais ce n’est pas pour ça que nous renoncerons à nous organiser et à lutter, au champ et à la ville. C’est pour ça que pour la première fois dans l’histoire, nous partageons ça avec vous.

(…) et donc comme dans le système, il y a ici des hommes qui font des travaux que font les femmes mais ce n’est pas pour le bien d’une nouvelle société comme nous le faisons, comme femmes zapatistes; nous avons un exemple, eh bien dans certains lieux, dans les grands restaurants ce sont les hommes, très élégants hein, qui font le travail, ce que font les femmes, mais ici ils sont exploités et elles sont exploitées et pendant ce temps les femmes qui occupaient ces postes sont emmenées ailleurs, dans d’autres lieux pour leur donner un autre usage, comme des marchandises, les photographier pour les mettre dans des revues, sur les affiches des films, les publier sur internet, et comme nous le voyons donc, la vie dans ce système dans lequel nous sommes est des plus dures, eh bien, comme depuis 520 ans, parce que la situation, eh bien, ce que nous fait le mauvais gouvernement, eh bien, ce sont les propres petits-fils, ce sont les propres fils, hein, des propriétaires terrien qui continuent de nous exploiter, eh bien, c’est comme ça aujourd’hui dans ce pays et donc nous voyons qu’il n’y a jamais de changement dans le système et donc les sœurs et les frères continuent de subir cette souffrance dans cette douleur que provoque, eh bien, le mauvais gouvernement aujourd’hui. (Notes prises à la rencontre des femmes zapatistes lors du Premier Festival Mondial des résistances et des Révoltes contre le Capitalisme. La version intégrale dans la prochaine parution de «Rebeldia Zapatista. No.4»)

.- Dans ce système, naître, grandir, vivre et mourir peut être comme ramper longuement dans un enchevêtrement de fils barbelés. Mais cette douleur en est une parmi les nombreuses souillures de l’histoire. Ce qui soulage, c’est qu’elles, toujours plus elles, décident de se lever et de marcher ainsi dressées. Pas comme si les barbelés étaient des fleurs, mais comme si les éraflures, et même les plus mortelles, les rendaient plus fortes… pour aller ouvrir le chemin. Non pas pour changer le genre de la domination, mais pour qu’il n’y ait plus de domination. Non pas pour avoir ainsi une place dans l’histoire d’en-haut, mais pour que l’histoire d’en-bas cesse d’être une blessure qui ne cicatrise pas. Ni autoritaire ni commandée. Ni reine ni plébéienne. Ni Khaleesi ni Jhiqui. Ni patronne ni employée. Ni maîtresse ni esclave. Ni propriétaire ni servante. Mais ce qui est terrible ce n’est pas que chaque être née femme le fait avec cette escroquerie comme calendrier de ce qui vient, dans n’importe quelle géographie politique. Ce qui est terrifiant c’est que ceux qui s’obstinent pour un monde meilleur, tissent bien souvent de leurs propres mains ces pièges blessants. Mais de temps à autres la réalité, qui est féminine, donne une claque au calendrier d’en-haut dans toutes les géographies d’en-bas. J’y crois.

 

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———————————★

{notes des traducteurices}

(1) : l’incendie de la garderie ABC, qui a coûté la vie à 49 enfants, en juin 2009, à Hermosillo. http://www.lepetitjournal.com/mexico/breves-mexico/60176-justice-laffaire-de-la-garderie-abc.html

(2) : ejidos : terres communes

Espoir Chiapas – Esperanza Chiapas
5, rue des gradins
93100 Montreuil
Site internet : espoirchiapas.blogspot.fr/
Contact France : 0642274480

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