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Palabra del Ejército Zapatista de Liberación Nacional

May182021

Dauphins!

Dauphins!

Mai 2021

 Ce furent des moments dramatiques. Coincée entre des cordages mal arrimés et le bastingage, la bestiole menaçait l’équipage avec sa lance tout en observant du coin de l’œil la mer démontée où s’était embusqué un Kraken, de l’espèce des « Kraken escarabujos » – habituée à se nourrir de scarabées. L’intrépide passager clandestin s’arma alors de courage, lança ses multiples bras vers le ciel et sa voix rugit couvrant le bruit des vagues qui s’écrasaient sur la coque de La Montagne.

  «Ich bin der Stahlkäfer, der Größte, der Beste!  Beachtung! Hör auf meine Worte! » (« Je suis le scarabée d’acier le plus grand, le meilleur. Attention ! Écoutez mes paroles ! »)

  Les membres de l’équipage s’arrêtèrent aussi sec. Non pas parce qu’un insecte schizophrène les défiait au moyen d’un cure-dents et d’un bouchon en plastique. Ni parce qu’il leur parlait en allemand. Parce qu’entendre leur langue maternelle, après des années passées à n’entendre que l’espagnol tropical de la côte, les transporta sur leur terre comme par un étrange enchantement.

 Gabriela dirait plus tard que l’allemand de la bestiole était plus proche de celui d’un migrant iranien que du Faust de Goethe. Le capitaine défendit le passager clandestin, faisant valoir que son allemand était parfaitement compréhensible. Et, comme là où le capitaine commande, Gabriela ne gouverne pas [ndt: en référence au dicton mexicain : « Là où le capitaine commande, le marinier ne gouverne pas »], Ete et Karl approuvèrent, et Edwin, bien qu’il n’ait compris que le mot «cumbia», fut d’accord. Ainsi, ce que je vous raconte est la version de la bestiole traduite de l’allemand :

-*-

 « L’hésitation de mes assaillants me laissa le temps de revoir ma stratégie défensive, de réajuster mon armure (parce qu’une chose est de mourir dans un combat inégal et une autre bien différente est de le faire mal fagoté), et de lancer ma contre-offensive : un récit…

  C’était il y a quelques lunes, dans les montagnes du Sud-est mexicain. Ceux qui vivent et luttent là-bas s’étaient lancés un nouveau défi. Mais à ce moment-là, ils vivaient dans l’angoisse et le découragement car il leur manquait un moyen de transport pour leur traversée. Ce fut ainsi jusqu’à ce que moi, le grand, l’ineffable, l’etcétéra, Don Durito de la Lacandone A.C. de C.V. de (i)R. (i)L. je n’arrive dans leurs montagnes (le sigle comme chacun devrait le savoir signifie «Chevalier Errant de Monture Versatile à Irresponsabilité Illimitée» [ndt: En espagnol «A.C. de C.V. de R.L» = Association Civile à Capital Variable et de Responsabilité Limitée]. Aussitôt mon arrivée annoncée, une multitude de demoiselles, de créatures de tous âges et mêmes de vieilles femmes, accoururent prestement pour m’acclamer. Mais je restai ferme et je ne succombai pas à la vanité. Je me dirigeai vers  les appartements de celui qui était chargé de l’infortunée expédition. Pendant un instant, je fus déconcerté : le nez impertinent de celui qui faisait et refaisait les comptes improbables pour couvrir les frais de l’expédition punitive contre l’Europe me rappela ce capitaine qui, par la suite serait connu comme le SupMarcos, celui que j’ai guidé pendant des années et que j’ai éduqué avec ma sagesse. Mais non, bien que ressemblant, celui qui se fait appeler Sup Galéano a encore beaucoup à apprendre de moi, le plus grand des chevaliers errants.

 Bref, ils n’avaient pas d’embarcation. Lorsque je mis mon navire au service de ces êtres, le dénommé Sup, avec un certain sarcasme, me répondit : « Mais là-dessus, il n’y a de la place que pour un seul, et très petit qui plus est, et c’est… une boîte à sardines!», se référant de la sorte à ma frégate, portant le nom de « Mets tes barbes à tremper » [ndt: en référence à un dicton signifiant « si tu vois ce qui arrive à ton voisin, prépare-toi »] inscrit à bâbord, à hauteur de la proue. J’ignorai telle impertinence et marchant à travers la foule qui espérait un regard de ma part ou un mot tout au moins, je me dirigeai vers l’île «N’a pas de nom», découverte par celui qui narre tout cela en 1999. Et au sommet de sa coiffe, à présent boisée, j’attendis patiemment l’aube.

  Je maudis alors l’Averne, je convoquai les déesses de toutes les latitudes, puis j’appelai la plus puissante d’entre elles : la sorcière écarlate. Celle-là même méprisée des autres dieux, enclins comme ils le sont au machisme frimeur et théâtral. Celle-là même repoussée par les autres déesses, enclines à la beauté fausse des onguents et cosmétiques. Celle-là même, la sorcière écarlate, la plus grande des sorcières: Oh, die scharlachrote Hexe!  Oh, die ältere Hexe! [ndt: Ô la sorcière écarlate! Ô la plus grande des sorcières!]

 Sachant bien que les probabilités que ces êtres étranges, qui se nomment eux-mêmes zapatistes, aient trouvé une digne embarcation étaient minces, je savais pertinemment que seul le plus puissant des pouvoirs magiques pourrait les tirer d’affaire et les faire tenir leur promesse. Donc, j’appelai la plus grande sorcière, celle des vêtements pourpres, qui peut changer la possibilité que quelque chose se produise. Elle fit des comptes et des contes et arriva à la conclusion que, effectivement, la probabilité de trouver une embarcation était proche de zéro. Elle parla ainsi:

    « Mais je ne peux rien faire, s’il n y a pas de requête. Et pas n’importe quelle requête. Elle doit être faite par un Titan, un être grandiose et magnanime qui, de son bon gré, soutiendrait ceux qui auraient besoin d’un évènement magique. »

    « Et qui mieux que moi ? », criai-je d’une voix retentissante. La dame au manteau pourpre leva la main, m’imposant le silence. « Ce n’est pas tout », murmura-t-elle. « Il faut que ce Titan risque sa vie, sa fortune et sa  réputation dans l’odyssée à laquelle ces créatures aspirent. Cela veut dire, qu’il les accompagne de son énergie et sa bonté et que, avec eux, mais pas à leur côté, il affronte les épreuves et les peines. Cela veut dire qu’il sera là et n’y sera pas. »

    Je fus d’accord car ma seule fortune, ce sont mes exploits, je risque ma vie par le seul fait d’exister et bon, ma réputation se situe dans les zones souterraines de ce monde.

  La sœur sorcière fit donc ce que l’on fait dans ces cas-là : elle alluma son ordinateur, se connecta à un serveur en Allemagne, tapa je ne sais quel sortilège, modifia un graphique de probabilités et augmenta, de presque zéro à 99,9 % le pourcentage, tapa à nouveau et un bourdonnement de son imprimante annonça la feuille de papier qui en sortait. Non sans avoir d’abord apprécié la modernisation qu’il y a dans la corporation des sorcières écarlates et autres, je pris le message. Elle consistait en une seule phrase:

      « Si le titan est d’acier, trouve son semblable, car de cela dépend l’élément manquant »

      Que signifiait cela? Où pourrais-je trouver quelque chose ou quelqu’un, je ne dirai pas semblable mais disons lointainement proche de ma grandeur ? Des Titans, il n’ y en a pas beaucoup. En fait, selon la wikipédia d’en bas et à gauche, je suis le seul qui perdure. Alors «d’acier». L’homme d’acier ? J’en doute ; je ne crois pas que la sorcière écarlate ait recommandé un homme. Alors une femme ou femelle d’acier.

  Je cheminai longtemps. J’ai parcouru de la Patagonie jusqu’à la lointaine Sibérie. J’ai croisé la route du digne Mapuche, j’ai crié avec la Colombie ensanglantée, j’ai traversé la douloureuse mais persistante Palestine, je suis passé par les mers teintées de la douleur noire des migrants, et je suis revenu sur mes pas, croyant à tort, que j’avais échoué dans ma mission.

  Mais, en débarquant dans la géographie qu’ils appellent » Mexique», quelque chose a attiré mon attention. Sur des eaux turquoises, un navire subissait les réparations et raccommodages que lui infligeait son équipage. Stahlratte, lisait-on sur son flanc. Comme la sorcière écarlate, je l’avais rencontrée dans l’Allemagne d’en bas et que ce mot signifie «rat d’acier» dans sa langue, je décidai de tenter ma chance. J’attendis avec une sage patience que la nuit et les ombres couvrent la solitude du bateau. Je grimpai habilement par la proue et longeant par le  tribord, j’arrivai là où se trouvait le centre de commandement ou gouvernement du navire. Là, un homme maudissait en langue germanique avec jurons et blasphèmes qui feraient rougir l’Averne lui-même. Il disait quelque chose de la douleur que l’on ressent d’abandonner mers et aventures. J’ai su alors que le navire avait ses jours comptés, et que son capitaine et équipage faisaient des cauchemars à l’idée d’une vie sur la terre ferme.

  Les sorcières écarlates du monde entier complotèrent en ma faveur et pour ma fortune. Mais tout dépendait de moi, du scarabée d’acier inoxydable, du plus grand des chevaliers errants, du etcétéra pour trouver « l’élément manquant ». J’attendis alors que le capitaine cesse ses lamentations et malédictions. Quand il se tut et que seul un sanglot étouffait sa gorge, je me hissai à la barre et lui faisant face je dis : « Moi, Don Durito ; toi, qui ? » Le capitaine n’hésita pas à répondre : « Moi capitaine, toi passager clandestin » tout en brandissant un journal ou une revue et menaçant d’écraser ainsi ma belle et svelte figure. Ce fut alors que, d’une voix puissante, je me présentai. Le capitaine douta et garda le silence ainsi que le journal ou la revue.

  Ensuite, quelques phrases suffirent pour que tous deux nous comprenions que nous étions des citoyens du monde, aventuriers par vocation et choix, des êtres disposés à affronter n’importe quel défi tout imposant et terrible soit-il.

  Une fois en confiance, je lui relatai l’histoire d’une odyssée en cours, quelque chose qui remplirait les annales des histoires à venir, la plus dangereuse et ingrate des besognes: la lutte pour la vie.

  J’abondai dans les détails, je lui parlai d’une embarcation construite au milieu des montagnes, sans autre eau que celle de la pluie pour lui donner sa vocation et raison d’être. Je lui parlai  de ceux qui avaient décidé de relever un tel défi, des légendes sur une montagne qui refuse que ses pieds soient prisonniers dans la terre, des mythes et légendes mayas de la voix de ses autochtones.

  Le capitaine alluma une clope, m’en offrit une que je dus refuser en sortant ma pipe. Nous partageâmes le feu et la fumée du tabac.

  Le capitaine resta silencieux et après quelques bouffées de fumée, il dit quelque chose comme : « Ma foi, ce serait un grand honneur de se joindre à une cause si noble et insensée. » Et il ajouta : « Je n’ai pas d’équipage en ce moment, car nous sommes déjà à la retraite, mais je suis sûr que des femmes et des hommes se présenteront au seul charme de cette histoire. Va chez les tiens et dis-leur de compter avec ce que nous sommes, humains et navire. »

  Mon histoire terminée, je m’adressai à ceux qui menaçaient de me jeter par dessus bord : « Et c’est ainsi que, vous, simples mortels, vous vous êtes embarqués dans cette aventure. Alors, laissez-moi tranquille et retournez à vos travaux et vos occupations, car je vais surveiller que le kraken laisse tranquilles notre maison et notre chemin. Pour cela, j’ai fait appel à des poissons amis qui le tiendront à distance.

-*-

  Et paf, juste à ce moment-là quelqu’un sur le pont crie « des dauphins! » et tout.e.s sont monté.e.s sur le pont armé.e.s d’appareils photo, de portables ou seulement de leurs yeux étonnés.

  Dans la confusion, Durito, le plus grand des Titans, l’unique héros à la hauteur de l’art, le complice des mages et sorcières, s’est éclipsé et s’est hissé à nouveau, cette fois oui, en haut du grand mât et de là, a entonné des cantiques qui, je le jure, étaient repris par les dauphins qui, entre vagues et sargasses dansaient pour la vie. 

-*-

 Plus tard, au dîner, le capitaine confirma l’histoire de la bestiole. Et dès lors la bestiole cessa d’être « la bestiole » et fut appelée, depuis cet évènement, « Durito Stahlkäfer », « Durito, le Scarabée d’Acier ».

 « Une rayure de plus au tigre », a dû dire le défunt SupMarcos, trois mètres sous le pont, euh, j’ai voulu dire sous terre.

 Maintenant avec camaraderie, Gabriela corrige la prononciation germanique de Stahlkäfer; sur l’épaule de Ete, Durito monte au plus haut du grand mât ; il accompagne Carl quand il prend la barre et l’amuse avec des histoires terribles et merveilleuses ; sur la tête d’Edwin, il dirige le hisser et l’affaler des voiles ; et aux petits matins, il partage avec le capitaine Ludwig le tabac et la parole.

 Et lorsque la mer se déchaîne et le vent intensifie sa parade voluptueuse, le plus grand exemplaire de la chevalerie errante, Stahlkäfer, divertit l’Escadron 421 en racontant des légendes incroyables. Comme celle qui raconte l’histoire absurde d’une montagne qui est devenue bateau pour la vie.

J’en témoigne. 

SupGaleano.

Planète Terre.

 Note: La vidéo des dauphins convoqués par Stahlkäker a été filmée par la Lupita, parce que l’équipe de soutien de la Commission Sexta, chargée de cette mission, était occupée… à gomir. Oui, c’était gênant. Maintenant, l’Escadron 421 a pour mission de soutenir l’équipe de soutien. Et il nous faut encore traverser l’Atlantique (soupir).


Musique: «La Bruja», son jarocho interpreté par Sones de México Ensamble, avec Billy Branch. Images : une partie de la traversée de La Montagne, l’arrivée et le débarquement à Cienfuegos, Cuba ; et la  réunion de l’Escadron 421 pour regarder le site d’Enlace Zapatista.

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