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Palabra del Ejército Zapatista de Liberación Nacional

Jul282022

Communiqué de la Caravane pour la vie et pour l’eau

Communiqué de la Caravane pour la vie et pour l’eau

À l’Armée zapatiste de libération nationale, 
Au Congrès national indigène, 
Au Conseil indigène de gouvernement, 
À la Commission Sexta zapatiste de l’EZLN, 
À l’Europe Insoumise, 
À celles et ceux qui ont signé la Déclaration pour la vie, 
Aux peuples qui luttent et qui résistent, 

La Caravane pour l’eau et pour la vie termine aujourd’hui son parcours à travers notre Terre mère vénérée, dans les terres zapatistes de Cuentepec, État de Morelos ; pendant 34 jours, nous avons rendu visite à nos sœurs, nos frères et nos frœurs des peuples Tutunaku, Nahua, Otomí (Ñhöñhö), Mazatèque, Triqui, Zapotèque, Binizaa, Matlatzinca, Nuntaj iyi, Ayuujk, pour qui l’eau et la terre sont sacrées et qui donnent jusqu’à leur vie pour défendre et récupérer ce qui leur appartient. Nous avons tissé des liens et nous nous sommes organisé.es avec des compañeros d’Allemagne, de France, de Grèce, du Portugal, du Guatemala, du Chili, d’Espagne, de Hollande, de Suisse, d’Australie, d’Angleterre qui luttent aussi et résistent sur leurs territoires et qui ont lancé le mot d’ordre d’accompagner la Caravane et les luttes qui la composent.

Nous avons été témoins de la façon d’appliquer la loi des peuples, qui ne se bat pas contre la nature mais qui la reproduit : quand les habitants des villages Nahua ont fermé l’entreprise Bonafont-Danone et l’ont transformée en Altepelmecalli, l’eau est revenue dans les cours d’eau et dans les puits ; l’eau est revenue dans le barrage de Santiago Mexquititlán depuis que le peuple Otomi s’est emparé du puits de Barrio Cuarto dont la Conagua refuse de céder les droits d’approvisionnement et de contrôle de l’eau ; la décharge de Tehuacán a cessé de s’étendre après avoir été fermée par les habitant.es de Santa Maria Coapan ; dans la Sierra Norte de Puebla, 5 concessions minières ont été annulées et la construction de 2 barrages hydroélectriques a été empêchée ; les vendeurs de l’UPVA 28 de octubre conservent leurs espaces de travail grâce à leur résistance ; l’INPI, où travaillait le traître des peuples, Adelfo Regino Montes, a été repris par la communauté Otomi vivant dans la ville de Mexico et a été transformé en Maison des peuples et des communautés indigènes «Samir Flores Soberanes» ; de là, on lutte, on résiste et on s’organise avec les peuples.

Les peuples ont accueilli la Caravane dans leurs assemblées. Nous avons marché avec eux, nous avons uni nos voix, nous nous sommes renforcés mutuellement. Après ces années de pandémie, nous sommes partis en caravane pour nous rencontrer et nous avons pris connaissance des douleurs des peuples qui sont les mêmes que les nôtres : mépris, répression, spoliation et exploitation qui sont les formes par lesquelles se manifeste la guerre que le capitalisme impose dans le monde entier. Nous sommes partis nous chercher dans d’autres géographies, dans d’autres rages et d’autres rébellions, parce que nous sommes conscients que c’est seulement grâce à l’union des peuples que nous aurons la force nécessaire pour vaincre ce système criminel.

Sur son chemin, la Caravane pour l’eau et pour la vie a semé des graines de résistance. Comme une vague de rébellion, elle a nourri la terre et nous avons vu fleurir la lutte digne des peuples qui résistent à l’oubli.

Nous avons transgressé les frontières qui nous ont été imposées, nous avons brisé les encerclements, nous nous sommes unis et nous avons tissé nos luttes. Nous avons mis en évidence la voracité du capitalisme et de ses innombrables dénominations : exploitation minière, exploitation de l’eau, entreprises immobilières, gentrification, pollution de la terre, de l’air, des cours d’eau et des mers, dépossession du territoire, méga-projets, assassinats de défenseurs de l’environnement, emprisonnements, enlèvements, trafic de drogue, para-militarisme, achat de consciences, division des peuples, marchandisation de la vie, précarisation du travail, collusion entre l’État et le crime organisé et autorisé, privatisation de l’éducation, féminicides, répression; violence sous toutes ses formes.

Nous dénonçons également l’État, fidèle serviteur du capital, qui utilise contre celles et ceux d’entre nous qui luttons pour la vie tout son appareil répressif pour : expulser le peuple Nahua de l’Altepelmecalli ; réprimer les compañeras et les compañeros qui défendent leur source de travail à Libres Oriental ; frapper et emprisonner nos compañeras féministes d’Okupa Cuba ; maintenir en prison nos compañeros Fidencio Aldama, Fredy García, Marcelino Ruíz Gómez, Abraham López Montejo, Germán López Montejo et les 7 prisonniers politiques d’Eloxochitlán ; priver nos compañeros Otomí vivant à Mexico de leurs espaces de travail ; stigmatiser et persécuter celles et ceux qui luttent pour un logement décent ; menacer et assassiner les journalistes qui défendent la vérité ; discréditer et diffamer les défenseurs de l’environnement ; harceler l’espace libéré de l’Okupa Chiapaz ; perpétuer l’impunité des assassinats de Bety Cariño, Samir Flores et Meztli Sarabia, et poursuivre le procès pénal injuste de Miguel López Vega qui a défendu la rivière Metlapanapa ; exécuter l’enlèvement de Sergio Rivera Hernández, défenseur de l’eau à Coyomeapan, et du docteur Ernesto Sernas García, avocat de l’organisation Sol Rojo ; harceler les étudiants des universités publiques qui s’organisent pour défendre l’éducation ; imposer la gentrification dans les villes par le biais des promoteurs immobiliers ; détruire les marais de Xochimilco ; déplacer des communautés entières et livrer leurs territoires aux compagnies minières et aux trafiquants de drogue ;  tenter de faire disparaître les écoles normales rurales ; cacher la vérité et la justice en faveur de nos 43 [étudiants disparus d’Ayotzinapa] et, d’ici, nous disons : « Vivants, ils ont été enlevés. Vivants, nous les voulons. » Nous dénonçons les institutions comme la CONAGUA, la SEMARNAT et l’INPI, qui cèdent les ressources et le territoire, les privatisent et en tirent profit, favorisant les grandes entreprises telles que Danone, Volkswagen, Audi, Nestlé, Constellation Brands, Coca Cola, Gold Corp, Black Rock et bien d’autres.

La Caravane nous a également permis de voir et de nous rendre compte de nos contradictions en tant qu’individus et en tant qu’organisations, des pratiques capitalistes que nous reproduisons et que nous ne pouvons démanteler que collectivement, du système qui habite nos corps et qui se manifeste dans nos actions et nos paroles. Pour éradiquer le consumérisme, le patriarcat, le machisme, la misogynie, le colonialisme, le racisme et le classisme, nous devons les reconnaître en nous-mêmes, les énoncer et construire des alternatives.

Aujourd’hui, alors que la caravane arrive à sa dernière étape, nous nous demandons, comme l’EZLN et le Congrès national indigène l’avaient fait à l’occasion de leur 25ème anniversaire : Et ensuite ? Nous répondons depuis nos espaces, avec nos temporalités et selon nos manières que nous continuerons à construire des processus d’autonomie et à renforcer l’autodétermination et les relations entre les peuples, nous continuerons à résister en prenant en main le destin de nos territoires.

Nous apercevons maintenant un horizon commun de rébellion, de résistance et d’organisation pour continuer le grand réseau qui se tisse en défense de la vie depuis le Congrès national indigène, renforcé à présent par la participation d’organisations et de collectifs des territoires que nous avons visités et par les alliances nationales et internationales que nous avons construites. Nous avons aujourd’hui la certitude que s’ils touchent l’un de nous, nous répondrons réellement tous ; ce n’est pas un vain mot, c’est un avertissement aux mauvais gouvernements qui voudraient attaquer l’un d’entre nous. Il n’y aura petit à petit plus aucune lutte isolée. Nous savons combien l’effort a été grand pour réaliser cette caravane et nous comprenons aussi qu’un jour passé dans les territoires ne suffit pas pour comprendre leurs luttes ; nos frères résistent jour et nuit pour arrêter la destruction de leurs territoires ; et pour vraiment apprendre des luttes, il n’y a pas d’autre moyen que de les vivre en personne, d’y mettre nos corps et nos mains pour unir nos forces et nous solidariser dans les actes.

Nous sommes conscient.es qu’après ce long voyage à travers 9 États, les leçons apprises doivent se matérialiser en actions concrètes qui peuvent être apportées aux communautés afin de continuer à avancer ; c’est pourquoi, en tant que Caravane pour l’eau et pour la vie contre la dépossession capitaliste, nous proposons au Congrès national indigène, au Conseil indigène de gouvernement, à l’Armée zapatiste de libération nationale et aux peuples qui luttent et résistent, la construction de petites écoles autonomes dans les territoires appartenant au CNI, où les compañeras et les compañeros du Mexique et du monde entier pourraient visiter temporairement nos communautés et partager le quotidien avec les différents peuples, dans le but de connaître ce pourquoi nous luttons et qu’à présent, ce soient les peuples Nahua, Ñhöñhö, Mazatèque, Zapotèque, Triqui, Binizaa, Matlatzinca, Nuntaj iyi, Ayuujk entre autres qui demandent aux personnes présentes : « Et toi, quoi ? ». Nous proposons que cette provocation soit discutée et évaluée dans nos territoires et que le 12 octobre de cette année, la réponse soit donnée et, si la proposition est acceptée, nous pourrons commencer le travail d’organisation pour la concrétiser.

Enfin, en tant que Caravane, nous célébrons et soutenons le grand pas franchi aujourd’hui par nos frères et sœurs de Cuentepec qui ont élaboré le décret contre l’exploitation minière dans l’État de Morelos, un grand pas non seulement pour les Nahua mais pour tous les peuples autochtones qui luttons pour l’autonomie. Aujourd’hui est un jour historique pour nous toutes et nous tous. Aujourd’hui, les peuples ont décidé, une fois de plus, d’exercer leur droit à se gouverner eux-mêmes.

Cuentepec, Morelos, 24 avril 2022.
Notre combat est et sera toujours celui de la vie.
Plus jamais un monde sans les peuples.

Post-scriptum : L’avenir des peuples n’est pas dans les conventions internationales, il est dans les peuples qui luttent pour l’autonomie et l’autodétermination, il est dans les communautés qui vivent et rêvent de liberté et reconstruisent la vie, pas dans les opportunistes qui usurpent, remplacent la voix des peuples et tirent profit de la lutte pour que ce système continue. Le présent des peuples autochtones est celui de la résistance et de la rébellion.

Pour la reconstitution intégrale de nos peuples.
Zapata est vivant, la lutte continue !
Samir est vivant, la lutte continue !
Vive le CNI !
Vive le CIG !
Vive l’EZLN !
Parce que vivants, ils ont été enlevés, vivants, nous les voulons !
Vive les peuples qui luttent et qui résistent !
Vive les femmes qui luttent, qui s’organisent et qui résistent !

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