DÉCLARATION DE LA CINQUIÈME ASSEMBLÉE DU CONGRÉS NATIONAL INDIGÈNE ET DU CONSEIL INDIGÈNE DE GOUVERNEMENT
À L’ARMÉE ZAPATISTE DE LIBÉRATION NATIONALE
AUX PEUPLES DU MONDE
AUX PERSONNES QUI LUTTENT SUR LES CINQ CONTINENTS
SOEURS-FRÈRES ET COMPAÑER@S
Sœurs et frères du monde, recevez un salut de la part de celles et ceux qui conformons le Congrès National Indigène. Nous sommes des peuples et des communautés qui habitons nos terres et territoires depuis bien avant l’imposition de ce qu’ils appellent l’État Mexicain. Nous avons non seulement notre propre langue et nos vêtements, mais aussi une forme de gouvernement, de voir, comprendre et vivre le monde différente du monde capitaliste, qui voit tout comme une marchandise. Nous sommes des peuples qui aimons la terre, les montagnes, les cours d’eau, les collines, les oiseaux et tout être vivant qui habite notre terre-mère. Pour nous, la vie est sacrée, nous la vénérons. Avec le temps, les tyrans, ceux dont l’objectif est de dominer et d’exploiter, ont voulu en finir avec nous, détruire notre culture, notre territoire. Nous sommes une histoire de pillage, de résistance et de rébellion et aujourd’hui, plus de cinq cent ans après la conquête et la guerre, nous sommes menacés de disparition, tout comme que le monde entier.
Sœurs et frères zapatistes, nos ainé.e.s, comme toujours vos paroles et vos initiatives constituent une lueur d’espoir et un chemin pour nos peuples. Les mégaprojets, les multinationales, le crime organisé et sa coordination avec le gouvernement nous envahissent de plus en plus pour exploiter et détruire notre territoire, notre vie. Les paroles mensongères du président López Obrador et sa soi-disante «quatrième transformation» cherchent à créer un mur pour cacher la guerre qui fait rage contre les peuples et la vie de la terre-mère, voulant nous isoler et nous présenter comme les adversaires du progrès, ce dont les autres gouvernements nous ont déjà accusés, mais qui prend aujourd’hui un sens plus destructeur.
Notre parole, notre réalité, la guerre que nous vivons n’atteint pas tous les cœurs où elle devrait arriver, parce que nous ne défendons pas seulement notre territoire, avec lui nous défendons la vie de la terre-mère et l’avenir de l’humanité. Toute la force du capital, de l’État et du crime organisé s’exerce sur nos peuples, nous divisant, nous dépossédant, nous menaçant, nous emprisonnant, nous assassinant.
Nous, Front des Peuples en Défense de la Terre et de l’Eau des États de Morelos, Puebla et Tlaxcala (FPDTA-MPT), qui faisons partie du Congrès National Indigène-Conseil Indigène de Gouvernement (CNI-CIG), nous vivons la même guerre de mégaprojets que nos sœurs et frères sur tout le territoire national. Le Projet Intégral Mortifère appelé Projet Intégral Morelos est imposé au profit principalement des compagnies minières, en marge de la légalité, ignorant et violant les recours juridiques, utilisant la Garde Nationale pour mettre en œuvre la construction de l’aqueduc et l’imposition de consultations indigènes qui violent nos droits fondamentaux. L’enquête sur le meurtre de Samir, bien loin d’avancer, met en lumière la relation existante entre le bureau du procureur général de l’État et le crime organisé. Pour résumer, nous vivons la même guerre d’extermination que le reste de nos compañeros et compañeras du Congrès National Indigène et d’autres peuples, villes et secteurs frères. Cependant l’attaque du grand capital et du gouvernement et l’assassinat de notre frère Samir ne met pas fin à notre résistance, au contraire: nous continuerons à lutter jusqu’à ce que la vie triomphe sur la mort, avec nos armes les plus puissantes : la dignité, la résistance et la rébellion.
L’imposition du Train Maya, qui s’accompagne de la construction de 15 centres urbains, celle du Corridor Interocéanique Salina Cruz-Coatzacoalcos comprenant 10 couloirs urbano-industriels, et celle de l’Aéroport international de la ville de Mexico – Parc écologique du Lac de Texcoco, ainsi que le Projet Intégral Morelos visent à réorganiser le pays en fonction des intérêts économiques du grand capital. De la même manière, il est extrêmement grave de poursuivre le projet de construire au bénéfice de différentes entreprises étrangères trois centrales thermo-électriques -l’une d’entre elles déjà construite-, un réseau de gazoducs et une mégacentrale de stock de combustibles dans la vallée du fleuve Santiago, au sud de Guadalajara -qui en plus de cela survient dans une des régions les plus contaminées du pays; il faudrait à cela ajouter le projet Canal Centenaire, actuellement réalisé par la Garde nationale mexicaine qui prétend transvaser les rivières San Pedro et Santiago au Nayarit. L’industrie minière à ciel ouvert menace également des centaines de territoires des peuples autochtones en utilisant la même formule faite de division, de spoliation et de destruction de nos communautés.
Tous ces projets sont précédés de la mise en place d’infrastructures routières et hydrauliques, de très nombreux parcs éoliens et photovoltaïques, ainsi que des centrales hydrauliques, thermoélectriques et des gazoducs qui envahissent illégalement les territoires de nos peuples et nombre d’entre eux ne disposent pas même d’une autorisation d’impact environnemental; elles signifient l’occupation de milliers et de milliers d’hectares et le changement d’usage des sols des terres collectives ejidales, des communautés et des peuples autochtones, sans prendre en compte la libre détermination des peuples sur leur territoire.
Ces grands mégaprojets et toute la spoliation et l’exploitation provoquées par le modèle extractiviste du gouvernement fédéral sont actuellement protégés au travers de la militarisation du pays entier et de la sécurité publique. Aujourd’hui, ces pratiques, sous le couvert des paroles mensongères de López Obrador, ont bien avancé alors que durant les gouvernements antérieurs une grande partie de la société s’y opposait, sans que ne disparaisse pour autant l’antécédant et la situation réelle qui est que les corps militaires violent systématiquement les droits humains et s’associent facilement au crime organisé. La guerre contre les peuples afin d’imposer les mégaprojets est tellement claire que c’est aux militaires que sont assignés des chantiers tels que le Train Maya ou l’Aéroport de Santa Lucia, projets auxquels nous nous opposons catégoriquement.
Tout au long de ce processus de recolonisation de nos territoires, L’Institut National des Peuples Indigènes, une imposition de plus du mauvais gouvernement de la «Quatrième Transformation», a accompli les tâches que mettait en œuvre le vieil indigénisme du PRI : médiatiser, manipuler, fragmenter, diviser nos peuples et nos communautés ; servant au contremaître en poste à valider ses mégaprojets, se prêtant à de fausses cérémonies officielles qui offensent notre Terre-mère et participant à l’élaboration de stratégies de contre-insurrections et ce qu’ils appellent «l’ingénierie des conflits». Face à cela, la communauté otomi résidant dans la ville de Mexico a pris la décision d’occuper les bâtiments de cet Institut afin d’exiger, bien au-delà du droit légitime au logement, le respect et la reconnaissance de l’auto-détermination des peuples sur leur territoire.
La pandémie du Covid-19, comme l’a dit le gouvernement mensonger de López Obrador, est tombée à pic pour imposer les mégaprojets et la militarisation du pays, la plus grande partie de la population étant démobilisée. En même temps, la pandémie contribue à la guerre d’extermination en cours contre nos peuples, au moment où les services de santé et la capacité économique sont très faibles voire très souvent réduites à néant.
Nous observons qu’il s’agit d’ une crise globale et civilisationnelle sans précédent qui oblige l‘humanité entière à détruire ce système actuel capitaliste et patriarcal, responsable de la destruction de la nature et qui est fondé sur l’exploitation et la spoliation chaque fois plus importantes de millions et de millions d’êtres humains. Ce système, afin de générer des profits et de la richesse, s’appuie sur le crime organisé, sur les guerres et sur les épidémies et les pandémies.
C’est pour cela que, en tant que Congrès National Indigène – Conseil Indigène de Gouvernement et en tant que Front des Peuples en Défense de la Terre et de l’Eau des États de Morelos, Puebla et Tlaxacala réunis durant cette CINQUIÈME ASSEMBLÉE ENTRE LE CONGRÈS NATIONAL INDIGÈNE ET LE CONSEIL INDIGÈNE DE GOUVERNEMENT, nous prenons les suivants
ACCORDS
UN.- Nous souscrivons à la Déclaration pour la vie réalisée par l’Armée Zapatiste de Libération Nationale, par des peuples, des organisations, des collectifs et des personnes du monde entier. En nous engageant à renforcer nos luttes en défense de la vie dans nos territoires et en ouvrant l’écoute, l’organisation et la parole à nos frères-sœurs du Mexique et du monde qui luttent contre ce système capitaliste et patriarcal, avec pour objectif de le faire disparaître.
DEUX.- Participer de manière directe, suivant les critères accordés durant cette assemblée, par le biais d’une délégation du CNI-CIG et du FPDTA-MPT, ensemble avec l’EZLN, à la tournée au travers de l’Europe proposée par nos frères-soeurs et nos compañer@s de l’EZLN et du monde durant les mois de juillet à octobre 2021 et, dans la mesure de nos possibilités, à celles qui seront réalisées postérieurement en Asie, en Afrique, en Océanie et en Amérique.
TROIS.- Réaliser des actions pour la vie, contre les mégaprojets et en mémoire de notre frère Samir Flores Soberanes du 19 au 21 février prochain, à deux ans de son lâche assassinat. Nous lançons un appel à nos sœurs-frères et à nos compañer@s du Mexique et du monde à réaliser des actions à ces dates-là.
QUATRE.- Nous exigeons la fin de l’attaque et du harcèlement des communautés zapatistes ; la libération immédiate de nos frères Fredy Garcia Ramirez, porte-parole de l’organisation CODEDI de Oaxaca, et celle de Fidencio Aldama, membre de la tribu Yaqui; ainsi que la libération de nos frères Adrian Gomez Jimenez, German Lopez Montejo et Abraham Lopez Montejo, membres de l’organisation «La Véritable Voix de l’Amate«, celle de Marcelino Ruiz Gomez, membre de Viniketik [ndt : «les hommes véritables»] en résistance, ainsi que celle d’Osman Alberto Espinales Rodriguez et de Pedro Cano Sanchez, qui se retrouvent injustement emprisonnés dans les centres pénitentiaires de San Cristobal de Las Casas et de Comitan, Chiapas; Halte à l’assassinat de nos frères du Conseil Indigène Populaire Du Guerrero ( CIPOG-EZ) ; la présentation en vie du frère Sergio Rivera Hernandez, membre de l’organisation MAIZ dans la Sierra Negra de Puebla, celle des 43 étudiants d’Ayotzinapa et celle de tous et toutes les disparu.e.s.
BIEN À VOUS
Janvier 2021.
Pour la reconstitution intégrale de nos peuples
Jamais plus un Mexique sans nous
CONGRÈS NATIONAL INDIGÈNE / CONSEIL INDIGÈNE DE GOUVERNEMENT
FRONT DES PEUPLES EN DÉFENSE DE LA TERRE ET DE L’EAU DES ÉTATS DE MORELOS, PUEBLA, TLAXCALA
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Tout à fait d’accord. Je veille à ce que ce communiqué soit lu et passé le plus possible dans mon entourage. Merci beaucoup
Comentario de CeciChuch — febrero 19, 2021 @ 4:10 pm