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Palabra del Ejército Zapatista de Liberación Nacional

Ene022014

Rembobiner 2. De la mort et autres alibis

Rembobiner 2

De la mort et autres alibis

 

Décembre 2013.

 

« On sait que l’on est mort quand ce qui est
autour de nous a cessé de mourir. »
Elías Contreras.
Profession : « Commission » d’investigation de l’EZLN.
État civil : décédé.
Âge : 521 ans et décompte.

 

C’est le petit matin et, si on me posait la question, ce que personne n’a fait, je dirais que le problème avec les morts, ce sont les vivants.

Parce que le plus souvent ça donne lieu à des disputes absurdes, oiseuses et révoltantes autour de leur absence.

Les sempiternels « moi, je les ai connus / je les ai vus / on m’a dit que » sont autant d’alibis qui cachent un « moi, je suis l’administrateur de cette vie parce que je gère leur mort ».

Quelque chose comme le copyright de la mort, alors convertie en marchandise que l’on possède, qui s’échange, circule et est consommée. Tiens, il y a même des établissements faits pour ça : des livres d’historiographie, des biographies, des musées, des éphémérides, des thèses, des journaux, des revues et des colloques.

Et puis, il y a ce trompe-l’œil de la publication de sa propre histoire pour pouvoir en limer les erreurs.

D’aucuns s’appuient ainsi sur les morts pour élever un monument à leur propre gloire.

Mais, à mon humble avis, le problème avec les morts, c’est de leur survivre.

Soit on meurt avec eux, un peu ou beaucoup à chaque fois.

Soit on se proclame leur porte-parole. En fin de compte, les morts ne peuvent plus parler et ce n’est pas leur histoire, leur histoire à eux, que l’on raconte : ce qu’on fait, c’est justifier la sienne propre.

Soit on les utilise encore pour pontifier d’un ennuyeux « moi, à ton / à leur âge ». Alors que la seule façon honnête de compléter ce chantage affectif bon marché et en rien original (presque toujours destiné à des jeunes et à des enfants), ce serait d’achever par « il a commis plus d’erreurs que toi / que vous ».

Ce que cache une telle prise en otage de ces morts, c’est le culte de l’historiographie, si typique d’en haut, si incohérent, si inutile : à savoir, prétendre que la seule histoire qui vaille et qui compte, c’est celle qui est dans les livres, les thèses, les musées ou monuments et dans leurs équivalents actuels et futurs, qui ne sont rien d’autre qu’une manière puérile de vouloir domestiquer l’histoire d’en bas.

Il existe en effet des gens qui vivent de la mort des autres et qui se servent de leur absence pour échafauder des thèses, des essais, des écrits, des livres, des films, des corridos et des chansons et autres façons plus ou moins sophistiquées de justifier leur propre inaction… ou leur action stérile.

« Tu n’es pas mort », ça peut rester un simple slogan si personne ne continue sur la même voie, parce qu’à notre modeste et non académique point de vue ce qui compte c’est le chemin choisi et non la personne qui le suit.

Et, tiens, puisque je suis en train de rembobiner cette cassette de quelques jours, mois, années et même décennies, j’en profite pour demander, par exemple :

À propos du SubPedro, de Monsieur Ik, de la commandante Ramona : ce sont leurs arbres généalogiques qui comptent ? Leur ADN ? Leur acte de naissance, avec nom et prénom ?

Ou alors ce qui importe, c’est la voie qu’avec les sans-nom et sans-visage — autrement dit, avec leur lignée et/ou armoiries — ils ont empruntée.

Concernant le SubPedro, est-ce son vrai nom, son visage ou sa manière de faire qui comptent, réunis dans une thèse ou dans une biographie — c’est-à-dire dans un mensonge documenté en fonction des intérêts de chacun ?

Ou ce qui importe, c’est le souvenir que l’on conserve de lui dans les communautés qu’il a organisées ? À coup sûr, les fanatiques de la religion l’auraient accusé, jugé et condamné parce qu’il était athée, tout comme l’auraient fait les fanatiques de la race parce qu’il était métis et qu’il n’avait pas la peau de la couleur de la terre, dans ce racisme à l’envers qui se prétend « indigène ».

Et la décision de se battre qu’ont prise le SubPedro, le commandant Hugo, la commandante Ramona et les insurgés Álvaro, Fredy et Rafael, est-ce qu’elle importe parce que quelqu’un lui donne un nom, un calendrier, une géographie ? Ou parce qu’une telle décision est collective et qu’il y a des gens qui continuent le combat ?

Quand une personne vit et meurt en se battant, est-ce qu’elle nous dit par son absence : « souvenez-vous de moi », « honorez-moi » ou « dépréciez-moi » ? Ou exige-t-elle de nous : « continuez », « ne vous rendez pas », « ne flanchez pas », « ne vous vendez pas » ?

Ce que je veux dire, c’est que je sens bien (et en parlant avec d’autres compas, je sais que je ne suis pas seul à avoir ce sentiment) que ce dont je dois rendre compte à nos morts, c’est ce qui a été fait, ce qui manque et ce qui est fait aujourd’hui pour compléter ce qui a motivé cette lutte.

Mais il est probable que je me trompe et on me dira sans doute que le sens de toute lutte est de perdurer dans l’historiographie, dans l’histoire écrite ou orale, parce que ce qui a poussé les peuples à se battre c’est l’exemple donné par ces morts, leur biographie bien gérée, et non les conditions d’injustice, d’esclavage (qui est le vrai nom du manque de liberté) et d’autoritarisme dans lesquelles ils vivent.

J’ai discuté avec quelques compañeras et compañeros zapatistes de l’EZLN. Pas avec tous et avec toutes, certes, mais avec celles et ceux que je peux encore voir, avec qui je peux passer un moment.

Il y a eu du tabac, du café, des paroles, des silences, des accords.

Ce n’est pas l’envie de perdurer à tout prix mais le sens du devoir qui nous a réunis là, pour le meilleur ou pour le pire. La nécessité de faire quelque chose devant une injustice millénaire, cette indignation que nous ressentons comme la caractéristique la plus forte de « l’humanité ». Nous n’aspirons aucunement à avoir notre place dans des musées, des thèses, des biographies ou des livres.

Alors, en poussant son dernier soupir, est-ce qu’une zapatiste, un zapatiste, se demandent : « Se souviendra-t-on de moi ? » Ou se demandent-ils : « A-t-on progressé sur cette voie ? » ; « Y a-t-il quelqu’un qui poursuit dans cette direction ? »

Nous autres, femmes et hommes, quand nous nous rendons sur la tombe de Pedro, est-ce que nous lui racontons ce que nous avons fait pour qu’on se souvienne de lui ou est-ce que nous lui racontons ce qui a été accompli dans cette lutte, ce qui reste à faire (il reste toujours à faire ce qui reste à faire) et combien nous sommes encore petits ?

Est-ce que nous en serions quittes avec lui en prenant « le Pouvoir » et lui érigeant une statue ?

Ou plutôt en étant en mesure de lui dire : « Hé, Pedrín *, on est toujours là, on continue, on ne se vend pas, on ne flanche pas, on ne se rend pas ? »

Et, tiens, tant qu’on en est à se poser des questions…

Le fait de prendre un autre nom et de se masquer le visage, par exemple, est-ce pour nous cacher de l’ennemi ou bien pour refuser ses tableaux d’avancement macabres, ses organigrammes hiérarchiques et ses offres d’achat et de vente, fussent-ils déguisées en postes bureaucratiques, en prix, en louanges et éloges, en petits ou grands clubs de fans ?

/ Eh oui, mon cher ami, les temps changent. Avant, les instituteurs ou les institutrices — ou leur équivalent de mandarins de la connaissance —, on les courtisait en portant leurs livres, en buvant leurs moindres paroles, en s’extasiant à leur moindre apparition. Aujourd’hui, on commente « en ligne » leurs écrits, on truffe de « likes » leurs sites Web, on rejoint le nombre de leurs fans qui trépignent en jouant des coudes…/

Je veux dire : est-ce que ce qui compte pour nous, c’est qui nous sommes ? Ou ce qui importe à nos yeux, c’est ce que nous faisons ?

Et l’évaluation qui nous intéresse et nous importe : c’est celle de l’extérieur ou celle de la réalité ?

Quant à la mesure de nos succès ou de nos échecs : la trouve-t-on dans ce que l’on dit de nous dans les médias à gages, dans les thèses, dans les commentaires, dans les « pouces levés », dans les livres d’histoire ou dans les musées ?

Ou bien dans ce qui a été accompli, ce qui a échoué, ce qui a réussi, ce qui reste à faire ?

Et en rembobinant encore plus avant…

Parlons de celle que l’on appelait « la Chapis » : est-ce que c’est le fait qu’elle était croyante et une chrétienne conséquente qui compte ou ce qui importe c’est qu’elle a vécu et s’est battue, en son âme et conscience de chrétienne, pour des gens qui ne l’ont jamais connue ? À coup sûr, les fanatiques de l’athéisme l’aurait accusée, jugée et condamnée parce qu’elle ne professait pas la religion des « ismes » qui voudrait monopoliser l’explication de toutes les luttes et en prendre la tête.

Un jour, après avoir lu L’Évangile selon Jésus-Christ, de José Saramago, la Chapis est partie chercher cet écrivain et compañero pour lui dire que non seulement son livre ne lui plaisait pas, mais aussi qu’elle allait écrire sa propre version du sujet. Est-ce que ce qui importe, c’est de savoir si elle est parvenue à rencontrer Saramago, si elle lui a dit ce qu’elle voulait et si elle a écrit sa version, ou le fait qu’elle ait pris la décision de le faire ?

Et Tata Don Juan : n’a-t-il d’importance qu’à cause de ses patronymes « Chávez Alonso », de son sang purépecha, de son chapeau qui, plus il le couvrait, plus il le dévoilait — comme s’il avait porté un passe-montagne ? Ou compte-t-il également à causes des chemins qui ont eu l’honneur d’être foulés, sur plusieurs continents, par son pas indigène ?

Quant aux petites filles et aux petits garçons assassinés dans la Crèche ABC, à Hermosillo, dans le Sonora, au Mexique, qui n’ont eu droit qu’à quelques lignes biographiques : est-ce qu’elles comptent à cause du nombre de lignes et de minutes auxquelles elles ont eu droit dans les médias ? Ou bien comptent-elles par le sang qui leur a donné vie et sang et qui s’acharne aujourd’hui dans un digne entêtement pour que justice soit rendue ? Parce que ces petits garçons et ces petites filles importent aussi aujourd’hui, bien qu’absentes, pour leurs pères et leurs mères qui ont engendré à travers leur mort.

Parce que la justice, mes amis et mes ennemis, c’est aussi éviter que ne se répète l’injustice ou qu’elle change de nom, de visage, de drapeau, d’alibi idéologique, politique, racial ou de genre.

*

Ce que je veux dire, c’est que nous (et d’autres et des zôtres comme nous, nombreux, nombreuses, tous·toutes), nous nous battons pour être meilleurs et nous acceptons que la réalité nous dise que nous n’y avons pas réussi, mais ce n’est pas pour autant que nous cessons de poursuivre la lutte.

Ce qui ne veut pas dire qu’ici nous n’honorons pas nos morts. Nous le faisons. Mais nous le faisons en luttant. Tous les jours, à toutes heures. Et comme ça jusqu’à ce que nous apercevions le sol, d’abord au même niveau que lui, puis vers le haut, en nous couvrant du pas compañero.

*

Enfin, les feuilles s’ajoutent aux feuilles remplies et avec elles grandit également la certitude que tout cela n’importe à personne, que cela n’a rien de transcendant, que ce n’est pas ce que la-nation-le-moment-historique-la-conjoncture exigent, qu’il vaut mieux raconter un conte… ou écrire une biographie… ou ériger un monument.

Et des trois, je suis fermement convaincu que la seule chose qui vaille la peine, c’est la première.

De sorte que je vais vous raconter, telle que me l’a rapporté Durito, l’histoire du Chat-Chien (attention : c’est maintenant qu’il faut lire « Rembobiner 3 »).

Bien. Salut et, en songeant aux morts, regardez surtout le chemin que leurs pas ont emprunté, ils ont encore bien besoin que d’autres le parcourent.

Le Sup, qui ajuste son passe-montagne avec une macabre coquetterie.

 

P-S : QUI PREND PARTI DANS UN DÉBAT RÉELLEMENT D’ACTUALITÉ. « Les jeux vidéo sont la continuation de la guerre par d’autres moyens, assène Durito. » Et d’ajouter : « Dans la lutte millénaire qui oppose les fanatiques de la Play Station et de la Xbox, il ne peut y avoir qu’un seul perdant : l’usager ! » Je n’ai pas osé lui demander à quoi rimait son intervention, mais je suppose que plus d’un et d’une d’entre vous comprendront.

P-S : TROP GRAND POUR TENIR DANS UN « TOUÏTE » (ça doit être à cause de la taille de la facture). Le « gouverneur » autoproclamé du Chiapas, Mexique, a déclaré solennellement que son administration « s’est serré la ceinture » grâce à un programme d’austérité. Pour preuve d’une telle décision, il a aussitôt dépensé plus de 10 millions de dollars dans une campagne publicitaire à l’échelle nationale, que son ampleur et son coût démesurés n’en rendent pas moins ridicule… et illégale. Mais comme certains médias touchent leur part, voilà que l’« imberbe », « inexpérimenté » et « immature » employé d’un commerce qui n’est ni un parti, ni vert, ni écologiste, ni mexicain (de fait, ce n’est pas non plus lui le gouverneur, alors pourquoi s’attarder sur des détails) devient maintenant — dans les pages et les rubriques de cette même presse qui le traitait d’« avorton » — un « homme d’État » qui ne gaspille pas dans la promotion de sa propre personne, mais dépense « pour attirer le tourisme au Chiapas ». Oui, mon cher ami, les agences touristiques lancent déjà le pack « Venez connaître le “Güero Velasco” », pack « tout compris » qui vient avec un « kit » d’œillères fournies pour ne voir ni les groupes paramilitaires, ni la misère, ni le crime qui s’étendent dans les principales villes chiapanèques (Tuxtla Gutiérrez, San Cristóbal de Las Casas, Comitán, Tapachula, Palenque), dans un État où on suppose que les pauvres ce sont les indigènes, pas les métis. Tandis que le grand voleur Juan Sabines Guerrero avait versé des millions aux médias pour simuler un gouvernement là où il n’y avait que spoliation, l’actuel « junior » de la politique locale débourse plus, parce qu’il a appris de l’actuel ministre en charge de l’exécutif fédéral (je crois qu’il s’appelle Enrique Manlio Emilio… Ah non ? Eh ben, vous voyez ce que c’est de ne pas avoir de compte sur touïteur !), qui est capable de surmonter une enquête judiciaire ouverte contre lui pour finir par figurer dans la liste des candidats à la présidentielle de 2018, avec quelques dizaines de millions de dollars, un bon logiciel Photoshop et un feuilleton télévisé à l’eau de rose.

P-S : DE CONJONCTURE QUI SE RÉPÈTE. Permettez-moi, gente dame, gentilhomme, Madame, Monsieur, mon garçon, ma petite fille, autruielle. Permettez que, impertinent, je ne vous laisse pas refermer la porte pour rester tout seul, toute seule, à ruminer votre frustration et à chercher des responsables, car c’est ainsi que pestent ceux qui ont un autel fixe et une idole changeante. Et si je ne mets pas le pied pour empêcher votre porte de se fermer et vous permette ainsi de rester sain et sauf dans votre château de dogmes, mais qu’en échange je mets mon nez dans ce qui ne me concerne pas, donnez-en la faute à mon nez, d’emblée impertinent par sa taille et par sa forme. Allez, permettez que j’interrompe votre haine tempérée, sèche, stérile, inutile.

Venez, détendez-vous, prenez un siège, respirez un bon coup. Soyez fort et comportez-vous avec ce bon sens soigneusement étudié, comme ces couples qui se séparent « en personnes adultes » alors qu’ils meurent d’envie de péter le citron d’Untel… ou d’Une telle (ne soyons pas sexiste).

Alors comme ça, quand vous, vous obtenez quelque chose, c’est uniquement grâce à vos seuls efforts ? Ah ! Mais quand vous essuyez une défaite, alors là, oui, vous démocratisez la responsabilité… non sans vous exclure, vous. « Les forums sont une farce », avez-vous décrété. « Les personnes masquées ne sont pas acceptées », avez-vous encore décrété (et inutile de songer à déposer une réclamation auprès de la Conapred pour discrimination vestimentaire). « Seuls nous obtiendrons la victoire tout seuls et la nation nous en sera éternellement reconnaissante, nos noms figureront dans les manuels scolaires, dans les palais des Congrès, sur les statues, dans les musées », vous êtes-vous réjouis par avance.

Sauf qu’après il est arrivé ce qui est arrivé et que, comme auparavant, vous gigotez dans tous les sens pour savoir qui rendre coupable de l’échec de cette lutte là-haut. « C’est l’unité qui a fait défaut », qu’ils disent. Mais ce qu’ils pensent, c’est : « Ce qui a fait défaut, c’est que tout le monde se soumette à notre autorité. »

La spoliation travestie en réforme constitutionnelle n’a pas débuté avec ce gouvernement. Elle a commencé à être légalisée avec Carlos Salinas de Gortari et sa réforme de l’article 27 de la Constitution. La spoliation agraire a alors été « couverte » par les mêmes mensonges que ceux qui entourent actuellement ce qu’on appelle les réformes : aujourd’hui, la campagne mexicaine est complètement ravagée, comme si un paquet de bombes atomiques l’avait rasée. C’est la même chose avec l’ensemble de ces réformes. L’essence, l’énergie électrique, l’éducation, la justice, tout sera plus cher, de pire qualité, plus rare.

Avant cela et avant même les réformes actuelles, les peuples indigènes ont été — comme ils le sont aujourd’hui — dépossédés de leurs territoires, qui appartiennent aussi à la nation. L’or liquide moderne, c’est-à-dire l’eau, et non le pétrole, a été dérobé sans que cela suscite l’attention des grands médias. Le vol des richesses du sous-sol, clairement dénoncé dans la Chaire Tata Juan Chávez Alonso par le Congrès national indigène, n’a eu droit qu’à quelques lignes fades dans la presse commerciale, cette même presse qui déplore aujourd’hui que LE PEUPLE, cette entéléchie tellement au goût du jour au niveau politico-médiatique, ne fasse rien pour endiguer ce vol légal et illégitime qui se dénomme « réforme énergétique ». La spoliation a lieu quotidiennement et partout. Mais c’est seulement maintenant que l’on clame que la Patrie a été trahie.

Et maintenant vous, qui avez été sourds, vous trouvez révoltant de n’être ni écoutés ni suivis.

Et vous dites que rien ne se fait parce que vous ne voyez rien. Vous dites et vous vous dites : « Ce qui importe c’est ce que MOI je fais ou ce qui se fait sous mon égide, selon mon agenda et dans ma géographie. Le reste n’existe pas parce que je ne le vois pas. »

Mais comment pourriez-vous voir quelque chose, puisque vous utilisez les œillères que le Pouvoir vous a offertes ?

C’est aujourd’hui que vous découvrez que l’État non seulement renonce à son rôle tampon dans cet ouragan de spoliation qu’est le néolibéralisme, mais qu’en plus ses membres se précipitent pour se disputer les miettes que le véritable pouvoir leur jette en pâture ?

Voyez-vous, ce qui se passe, c’est que le monde est rond, qu’il tourne, qu’il change. Et tout votre catalogue d’évidences binaires vous sera de bien peu (ou pas du tout) d’utilité : gauche et droite, réactionnaire et progressiste, ancien et moderne et tous les synonymes et antonymes tellement en vogue dans la politique d’en haut.

Voyez-vous, ce qui se passe, c’est tout simplement que votre pensée est décrépite.

Votre pensée a commencé à décliner dès l’instant que vous avez décidé d’embrasser celle d’en haut (en utilisant le vieux truc — qui se retourne maintenant contre vous — de droite-gauche-progressiste-réactionnaire, en vous inventant des alibis et en les revêtant des mêmes mots qui aujourd’hui vous ont pris au piège), oubliant que ceux d’en haut n’acceptent pas les embrassades mais uniquement les génuflexions.

Non, ce n’est pas que vous n’ayez pas d’idées et de bannières. C’est juste qu’elles sont en ruines. Peu importe de combien de modernité vous les habillerez, ou combien de mots ronflants on déversera sur elles, ou combien de touïtes les reprendront et combien de « likes » et autres commentaires elles engrangeront.

Vous qui espériez une proclamation, le sang anonyme coulant à flot, le son du clairon avec ses accents belliqueux, huit colonnes à la une, les images de sang donné en offrande sur l’autel de cette Patrie que c’est à vous autres, et seulement à vous, ben tiens, qu’il reviendra de redorer le blason.

/ Eh non, cher ami, il faut admettre que le zapatisme n’est plus ce qu’il était. Vous vous rappelez, il y a près de vingt ans, combien nous avons été émus par les images de ces morts si anonymes qui n’avaient ni visages ni noms, si lointains, si indigènes, si chiapanèques ? / Au fait, Ocosingo, c’est au Moyen-Orient ? / Ah ! Et quelles initiatives brillantes ils ont eues, du temps où on nous réservait un pavillon d’honneur. / D’un autre côté, qui pourrait prendre au sérieux des gens qui refusent de souscrire aux mobilisations ou aux mouvements (attention : c’est pas pareil, apprenez une fois pour toutes à faire la différence) à la mode ? Ou qui refusent même de les analyser, de les classifier, de les juger, de les archiver ? / C’est terminé, ils sont finis, même la presse n’est plus invitée à leurs commémorations. Et qu’est-ce qu’ils peuvent fêter, si ce n’est notre absolution ou notre réprobation / Ah ! Mais alors, ce que nous ne pardonnerons jamais à ces zapatoufles, ce n’est pas seulement qu’ils soient tous morts — et qu’avec cela ils nous aient refusé le droit de gérer leurs morts dans le labyrinthe infini des mausolées et d’entonner des corridos, des « tu n’es pas mort, camarade, ta mort est en de bonnes mains —, mais qu’en plus ils aient rendu leurs morts tellement… tellement… tellement rebelles ! /

Mais rien à faire, au lieu de cela, des post-scriptum !

Je sais bien que cela ne compte pas pour vous, mais pour les encapuchonnées et les encapuchonnés de chez nous, la lutte qui importe n’est pas celle que l’on a remportée ou perdue. C’est celle qui continue, et c’est pour elle que l’on prépare les calendriers et les géographies.

Il n’y a pas de batailles définitives, ni pour les vainqueurs ni pour les vaincus. La lutte se poursuivra et ceux qui se délectent aujourd’hui de la victoire verront leur monde s’écrouler.

Pour le reste, ne vous inquiétez pas. Vous n’avez rien perdu parce que en réalité vous vous êtes battus pour rien. La seule chose que vous ayez fait, c’est de faire que d’autres obtiennent pour vous le monopole d’une victoire qui ne viendra pas.

Le pouvoir d’en haut tombera, sans le moindre doute. Mais sa chute ne sera pas le produit d’une lutte monopolisée, excluante et fanatique d’elle-même.

Si vous y tenez, continuez donc à tirer d’en haut. Vous célébrerez le moindre petit mouvement de ce monolithe, mais votre corde se brisera, encore et encore.

C’est d’en bas que les statues et les autoritarismes sont abattus, de façon à ce qu’il ne subsiste aucune fondation qui permette à un nouveau buste de venir remplacer le précédent.

En attendant, et c’est mon humble avis, la seule chose qu’il vaille la peine de faire là-haut, c’est ce que font les oiseaux : chier.

Ça vaut bien une glace aux noisettes, même s’il fait froid.

Le Sup, qui se prépare à…

 

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Du groupe ibérique de rock punk Arzua25, ce morceau intitulée Zapatista, sur l’album Bienvenido a la resistencia.

 

Avec le groupe Ska-Fe, de Colombie, la chanson Muerte a la muerte. « Brincooooolin ! »

 

Tiré de la série Como debió haber terminado (« Comment ça aurait dû finir »), les fins alternatives de Batman, The Knight Rises. Vidéo dédiée aux enmascarad@s “mal@s” (« les masqué·e·s “méchant·e·s” ») — qui ne sont pas accepté·e·s dans les mobilisations « transcendantales » —, tels Gatúbela et Bane (avec son passe-montagne inversé et son excellente diction).

 

De l’immortel Cuco Sánchez, No soy monedita de oro (« Je ne suis pas une pièce d’or »), qui s’explique tout seul.

::::::::::::::::::::::::::::

Traduit par SWM.



* Diminutif affectueux, comme notre « Pierrot » ou « Petit Pierre » (NdT).

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